A d'autres arrivants, ils ont raconté qu'ils seraient
envoyés en Bosnie et installés sur les terres des partisans
qui s'étaient enfuis dans la forêt.
"Que Dieu vous bénisse", a dit une femme tsigane,
en entendant cela.
Les Tsiganes ont tous traversé le fleuve sur des
radeaux pour atteindre Ustice. Les hommes ont été emmenés
sur la rive, attachés par cinq et tués. Les oustachis sont
ensuite revenus pour tuer femmes et enfants.
Lorsque la capacité d'extermination du camp d'Ustice
s'est avérée insuffisante par rapport au nombre de prisonniers
arrivant à Jasenovac, un nouveau centre d'extermination a été
ouvert à Gradina. Un groupe a ainsi été emmené
directement du train vers Gradina — hommes, femmes et enfants — sans même
passer par le camp de Jasenovac. On leur avait ordonné de chanter
durant la marche des chansons que l'on chantait à l'occasion des mariages.
A leur arrivée à Gradina. ils ont été exécutés
et enterrés dans des fossés.
Un survivant décrit la façon dont un autre
convoi de femmes et d'enfants a été emmené en péniche
à Gradina. Des détenus y avaient déjà creusé
une fosse. Les femmes étaient emmenées vers la fosse en groupe
puis individuellement jusqu'au bord où elles étaient abattues.
Puis le groupe préposé au travail a dû creuser une autre
fosse.
Les vêtements des Tsiganes assassinés étaient
envoyés à une usine de confection dans le camp et de là
vers une usine à Zagreb, dont le propriétaire était
Pripic.
Certains Tsiganes creusaient les tombes. Par périodes,
les travailleurs de ces groupes étaient abattus, et un nouveau groupe
formé. En 1945, le dernier de ces groupes a été abattu,
et aucun témoin n'a donc survécu.
L'évasion de Jasenovac
Simon Kotur faisait partie du kommando chargé du
creusement des tombes du camp IIIC. Il raconte :
"450 d'entre nous ont été choisis
pour être remplacés par de nouveaux ouvriers. On nous a lié
les mains et nous avons été envoyés sur un radeau pour
traverser le fleuve Sava. Nous pouvions distinguer un autre groupe de Tsiganes
de l'autre côté, creusant nos tombes. Ils ont crié : Vous
ne serez pas tués ce soir. Nous n'avons pas pu faire un fossé
assez grand pour vous tous.Toute la journée, nous les avons regardés
creuser nos tombes. Mon ami Branko m'a dit : Ils nous tueront demain. Il faut
s'évader d'une manière ou d'une autre. Nous avons convenu que
lorsque les oustachis commenceraient à nous diriger vers les fosses,
nous leur sauterions dessus et nous nous enfuirions en courant. Les oustachis
en ont tué 20 d'entre nous ce soir là. Le lendemain, nous avons
regardé les autres Tsiganes creuser nos tombes jusqu'à midi.
A 16 heures, ces Tsiganes nous ont apporté un ragoût sous escorte.
Trois heures plus tard, ceux qui avaient pris cette nourriture ont été
pris de convulsions et sont morts. A 21 heures, les oustachis ont commencé
à rassembler ceux d'entre nous qui restaient. Ils nous ont dit de
nous déshabiller. Stevo a sauté sur un oustachi et a crié
: Courez, les enfants ! J'ai pu passer par dessus la clôture et courir
vers l'endroit où le fleuve Una rejoint la Sava. Quatre d'entre nous
ont réussi à s'échapper et à traverser les champs
en courant jusqu'à Prodsara."
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Joka Nikolic a lui aussi pu s'échapper juste avant
l'exécution et se cacher au milieu des roseaux près du fleuve.
Il a rejoint plus tard les partisans. Il y a rencontré Janko Gommen,
un autre rescapé de Jasenovac.
Après plusieurs évasions, les Tsiganes ont
été surveillés par des gardes équipés
de mitrailleuses et étaient attachés par deux lorsqu'ils étaient
conduits au massacre.
Récits tirés de Donald Kenrick et Grattan
Puxon, Les Tsiganes sous l'oppression nazie,
Centre de Recherches Tsiganes, CRDP Midi-Pyrénées, Toulouse,
1996.