UNIVERSITE POINCARE - NANCY I
Faculté de Médecine, Ecole de Santé Publique - EAD -, Année universitaire 1996-1997.ANALYSE DES BESOINS DE SANTE
MATERNO INFANTILE DE LA POPULATION MANOUCHE
DANS LE SUD DU DEPARTEMENT DE LA LOIRE.
MEMOIRE présenté à l'Université de NANCY I
pour l'obtention du diplôme de Santé Publique communautaire par :
Pascale DUCROT, Médecin de Protection Maternelle et Infantile.
TUTEURS DU MEMOIRE :
Département de Santé Publique et d'Information médicale. FACULTE DE MEDECINE
UNIVERSITE DE SAINT-ETIENNE - Professeur RODRIGUES.
Médecin de Promotion de la Santé- Conseil Général de la Loire.
Pascale DUCROT, Médecin de Protection Maternelle et Infantile.
INTRODUCTION
Au cours de notre expérience de cinq ans d'une consultation de Protection Maternelle et Infantile au sein de l'association régionale pour l'information des tsiganes et des gens du voyage, nous nous sommes aperçues, de manière subjective, du mauvais suivi médical des enfants tsiganes manouches.
Nous avons dû, dans un premier temps, enrichir nos connaissances sur "les gens du voyage", population souvent mal connue des profanes que nous sommes.
La revue de la littérature nous a permis de donner du sens au mot "voyageur" et à différencier les différentes ethnies.
Dans le domaine de la santé, de nombreuses études font état des risques sanitaires importants, notamment dans la population gitane, autre groupe de tsiganes à Toulouse (11.12). L'équipe médico sociale de Toulouse exerce, dans ce domaine, depuis 25 ans et une démarche d'éducation pour la santé semble pouvoir se réaliser.
Qu'en est-il des besoins de santé de la population materno infantile manouche du Sud du département de la Loire ?
Il nous fallait évaluer l'importance de cette population, avoir une vision objective et quantitative des observations de la Protection Maternelle et Infantile.
Puis, nous nous sommes tournés vers l'expérience d'autres professionnels de la santé
(Médecins généralistes, services hospitaliers).
Notre recherche n'aurait pas été complète sans l'avis des mères, concernant leur santé et celle de leurs enfants, ou celui d'autres professionnels n'appartenant pas au secteur de la médecine.
Ce travail doit permettre, à un moment de doute sur l'utilité d'une consultation chez les gens du voyage, d'entreprendre de nouvelles actions pour une meilleure promotion de la santé des mères et des enfants manouches.
LA PRESENTATION DU PROBLEME
La population nomade sur le département de la Loire est estimée à 600O personnes.
Le rapport DELAMON (6) a tenté, avec prudence en 1990, une approche quantitative des gens du voyage. Il diffuse, avec quelques réserves, une estimation autour de 240 000 personnes.
La Loire compterait 2,5% de la population nationale nomade.
1 ORIGINE DE LA RECHERCHE.
L'association régionale pour l'information et la promotion des tsiganes et des gens du voyage, ou association ARIV, a été créée en 1988, sur l'initiative de son président Yvon Massardier. Le siège se trouve à SAINT-CHAMOND, 3ème ville du département de la Loire avec 42250 habitants.
Il s'agit d'une association départementale, Loi 1901, à vocation sociale, fédérée dans l'union nationale des institutions sociales d'aide aux tsiganes (U.N.I.S.A.T.). Elle permet aux voyageurs, souvent en retrait par rapport à notre société, de régler de nombreux problèmes administratifs (imposition, sécurité sociale, Caisse d'Allocations Familiales). Elle aide à la représentation des nomades et à la défense de leur droit, en particulier lors des difficultés de stationnement.
L'ARIV est agréée service instructeur par l’état, et conventionnée prestataire de service par le département de la Loire pour contribuer à l'insertion des gens du voyage (dossiers Revenu Minimum Insertion). Elle intervient dans le cadre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage de la Loire, comme conseil, pour la création de nouvelles aires de stationnement. Elle aide à la scolarisation des enfants nomades, surtout depuis la création du camion école en 1994.
L'ARIV possède des dossiers pour trois groupes de population :
• le groupe des tsiganes roms (5% du public ARIV)
• le groupe des tsiganes manouches (20% du public ARIV)
• le groupe des yéniches (75% du public ARIV)
En 1991, l'ARIV constatait l'absence de suivi médical des enfants, alors que les consultations de Protection Maternelle et Infantile, ouvertes sur le Territoire d'action sociale Gier-Ondaine-Pilat, ne recevaient pas d'enfants nomades. La décision fut prise de créer une consultation dans les locaux de l'ARIV, une demi-journée par mois.
Nous avons rencontré, à la consultation, seulement deux groupes : les manouches et les yéniches.
Le premier groupe a une situation économique précaire. Certains vivent encore dans des roulottes attelées à des chevaux. Il nous semble que les enfants sont rarement vus par un médecin, si ce n'est en situation d'urgence, et qu'ils sont peu ou pas vaccinés.
Le deuxième groupe est plus adapté à notre système de santé et à notre société. Les enfants sont examinés au gré du voyage, ils sont vaccinés et reçoivent de la vitamine D régulièrement.
Nous avons voulu, dans ce travail, nous intéresser à la population qui nous semblait la plus défavorisée en terme de santé, bien qu'elle ne soit pas la plus importante sur le département.
Depuis cinq ans, la fréquentation de la consultation est faible (deux à trois enfants par séance), et est en stagnation. Les enfants de plus de six ans semblent manquer de soins, notamment en matière vaccinale.
Le service de Protection Maternelle et Infantile n'intervient pas, actuellement, dans le suivi des femmes enceintes.
L'équipe de la Protection Maternelle et Infantile, composée d'une infirmière puéricultrice et d'un médecin, n'intervient pour l'instant que dans le Territoire Gier-Ondaine-Pilat. Le département de la Loire est divisé en quatre territoires d'actions sociales. Trois se situent au Sud du département ; il s'agit du Territoire du Forez, du Territoire de Saint-Etienne et du Territoire Gier-Ondaine-Pilat.
Il nous faut évaluer les besoins de santé de la population materno infantile manouche du Sud de la Loire pour mettre en place de nouvelles actions plus adaptées.
2 REVUE DE LA LITTERATURE.
Elle nous a permis de définir "les gens du voyage", de distinguer les différentes ethnies. Ensuite, nous nous sommes intéressés à la santé des tsiganes.
La revue de la littérature n'est pas limitée à la population materno infantile car, dans une dizaine d'années, les enfants que nous connaissons seront adultes. Pour avoir une véritable action préventive, il faut connaître les différentes pathologies, qui touchent aujourd'hui ces adultes .
Définitions et ethnies.
Les définitions conditionnent notre approche des gens du voyage.
Elles se rapportent au rapport de Monsieur le Préfet Arsène Delamon
"Gens du voyage : Voyageurs qui vivent et se déplacent en habitat mobile et sédentaire, qui se réclament "du voyage".
Population fidèle à certains comportements spécifiques, dont se dégage une grande variété de mode de vie, d'activités, d'habitat...
Les voyageurs ont une volonté commune de se dire "du voyage" par opposition avec le "gadgé"(sédentaire en langue Sinti).
On distingue deux grands groupes issus de leur origine de migration différente ; Les yéniches et les tsiganes.
Les Yéniches.
Population originaire d'Alsace ou d'Allemagne, ils ont été rendus errants par la pauvreté pendant la guerre de trente ans entre la Prusse et l'Allemagne (1618-1648). De part leur origine, ils sont plus proches de notre société, même s'ils gardent la tradition du voyage.
Les Tsiganes.
Ils sont originaires du Nord-Ouest de l'Inde et arrivent en Perse vers le Xème siècle. Leur migration les amènent en France, pour la première fois, en 1419. ' > (cf.Carte n°2-Annexe 2 )
Accueillis au départ comme serviteurs de la noblesse guerrière, les membres "des compagnies de petite Egypte" (Egyptiens : Gypsies en anglais, gitanos en Espagnol), munis de lettres de protection du roi de Bohème (bohémiens), circulent de château en château. Les bohémiennes courent le pays et disent la bonne aventure.
Parmi les tsiganes, on distingue trois groupes :
• les manouches forment le groupe le plus important, réparti sur tout le territoire. Ils se divisent en sous-groupes :
* les Sinti Français,
* les Sinti Allemands,
* les Sinti Piémontais.
• les gitans, qui ont séjourné en Afrique du Nord et en Espagne, et qui résident dans le sud-ouest.
• Les roms, qui sont venus de Roumanie, Hongrie et Russie depuis 1850, et qui résident en Ile de France, dans les régions Lilloises, Lyonnaises, Bordelaises et Côte d'Azur (1,10,20).
Cette description est simple mais, parfois, il existe des mariages entre les différents groupes (par exemple manouches/yéniches), et il est difficile de reconnaître les différentes ethnies. Parfois les noms de famille sont évocateurs ( WEISS, REINHARDT sont d'origine Sinti).
La santé doit donc être appréhendée de manière globale.
Dans notre société actuelle, où la croissance entraîne de plus en plus de précarité, les gens du voyage accumulent de nombreux handicaps : rejets, marginalité, disparition de leurs activités professionnelles habituelles (vannerie, rempaillage, ramonage, ferraille), absence de qualification, illettrisme.
La Protection Maternelle et Infantile n'est qu'un partenaire de santé parmi d'autres. La définition de l'Organisation Mondiale de la Santé est :
"la santé est un état complet de bien être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité".
Cette définition est particulièrement importante à prendre en compte chez les voyageurs pour pouvoir intervenir avec différents partenaires sociaux et médico-sociaux sur les conditions de vie, de logement, l'accès au monde du travail et l'accès aux soins.
Le voyageur peut bénéficier du Revenu Minimum d'Insertion au même titre que n'importe quel citoyen.
Le Revenu Minimum Insertion peut permettre un travail multipartenarial autour de l'insertion. Toutefois il doit tenir compte des particularités de cette population, dont les membres sont, a priori, insérés dans le groupe .
Il ne doit pas être envisagé comme un moyen de contrôle, particulièrement dans le domaine de la santé, car celui-ci attiserait l'ancestrale opposition gadgé-voyageur.
L'insertion peut être envisagé comme moyen d'un mieux-être social et économique, tout en prenant en compte la spécificité tsigane.
Ainsi, GUIRAUD propose de transformer la définition de l'Organisation Mondiale de la Santé :
"la santé n'est pas l'absence de maladie, elle est un état de bien être physique, social, mental et culturel".
La santé doit être appréhendé de manière familiale.
Les consultations de Protection Maternelle et Infantile se déroulent en présence de nombreux parents : grand-mère, tantes, soeurs, frères, etc... ; chacun donne son avis. Des discussions et des décisions familiales ont lieu lorsque l'avis médical a été donné. Alors que notre système de santé soigne un individu particulier, les tsiganes revendiquent la conservation d'un statut fusionnel du groupe (15).
La santé préventive et curative.
La conception de la maladie par les tsiganes est différente de la notre. Seul le symptôme
les fait consulter ; ils exigent alors une guérison immédiate.
Ainsi FERCHAUD, médecin d'un groupe de tsiganes, écrit dans le Mascaret (8) :
"De part sa configuration psychologique et culturelle, la santé est vécue par la population gitane comme une notion curative et non préventive".
Ethnologue et médecin ne sont pas toujours d'accord sur le terme prévention.
S.FAINZANG (9) considère que le fait de déposer sur la tombe d'une vieille femme guérisseuse des objets appartenant à des enfants, type barrette, ruban est déjà un acte préventif.
Des actions d'éducation pour la santé ont été mises en place à Toulouse (15). Pour que le message soit entendu, il ne doit pas y avoir césure entre soins préventifs et curatifs. La démarche doit partir du symptôme pour l'expliquer et ensuite engager des moyens pour le prévenir (par exemple la fièvre de l'enfant).
Peu à peu émergent, de cette relation proche soignant-soigné, des demandes d'éducation collectives émanant du groupe (diététique, contraception, HT A).
L'état de santé des tsiganes.
Divers écrits font état de risques sanitaires lourds chez les tsiganes : J.VALLET, aumônier des gens du voyage, constatait que la population tsigane, dont il avait la charge en 1987, bénéficiait d'une espérance de vie de 47 ans pour les femmes et de 44 ans pour les hommes équivalent à celle qui prévalait chez les sédentaires aux alentours de 1850.
Il existe des troubles liés à des déséquilibres alimentaires chroniques, alimentation grasse, viandes grillées au feu de bois avec un seul repas par jour entraînant diabète, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, cancers digestifs, HTA (19). On retrouve aussi différentes pathologies liées au stress : dépression, consommation excessive de psychotiques, éthylisme (12.16).
La femme enceinte.
Il est parfois difficile, compte tenu de l'environnement culturel, de déterminer la durée de la grossesse. Elle sera souvent cachée les premiers mois.
KOBOR (14), rend compte de la fréquence des nouveaux nés de petits poids (Inférieur à 2500 G.) Toutefois, lorsque des mesures sanitaires sont prises (visites des femmes au dispensaire et à domicile), cette fréquence chute de 30,5% à 18,8%.
M.DIDIER explique que bien que l'enfant "soit l'extrême richesse", les femmes continuent à travailler, à fumer. Prématurité, HTA sont plus fréquentes que dans la moyenne nationale, mais, paradoxalement, il n'y a pas de pathologies lourdes (7).
L'enfant
Les deux premières années, l'enfant vit en symbiose avec sa mère. Vers l'âge de deux ans, il s'intègre au groupe des plus grands. Il s'est très vite s'habille seul, manger seul . C'est son expérience qui l'éduque, et cela malgré les nombreux risques que lui fait courir la vie en plein air. Les accidents domestiques sont assez fréquents.
Les pathologies rencontrées sont les infections ORL, bronchites, dermatoses, troubles gastro-intestinaux ; elles sont plus fréquentes que dans d'autres milieux d'enfants
Les enfants hospitalisés sont souvent des enfants de moins de un an. Leur hospitalisation dure plus longtemps que chez les autres enfants .
Les parents ne perçoivent pas les signes d'alertes et c'est souvent dans un climat d'affolement communautaire que l'enfant est transporté à l'hôpital.
Mais le voyageur est impatient, et il va reprendre son enfant si "la magie de l'hôpital n'agit pas assez vite ou s'il estime que son enfant est guéri.
La Protection Maternelle et Infantile en milieu tsigane.
PLANE (18), relate que la Protection Maternelle et Infantile, tant prénatale que postnatale, est très mal utilisée (trois à quatre familles respectivement sur onze concernés). Selon lui, ceci montre que la césure entre soins curatifs et soins préventifs n'est pas pertinente.
Mais la Protection Maternelle et Infantile s'est-elle adaptée à ce type de population, ou n'existe-t-il que des consultations traditionnelles ?
D'autres expériences sont très positives, comme le décrit A.HELLO , notamment en matière de vaccinations. Mais les consultations doivent se dérouler sur les terrains de stationnement.
Les visites à domicile et le travail de l'infirmière puéricultrice avec les mères, chez elles, sont irremplaçables. L'équipe de Protection Maternelle et Infantile pour intervenir, doit avoir noué des relations de confiance avec les voyageurs selon J. A.CORROCHER(5).
On peut rapprocher ces expériences de celles de COLIN avec les familles sous-prolétaires .
Il écrit : " la Protection Maternelle et Infantile doit modifier son comportement, un engagement des équipes de santé auprès des familles pauvres, l'approche de la santé dans le cadre d'un projet familial plus large donnent des résultats bénéfiques ".
La protection sociale.
Le rapport DELAMON (6) souligne que la législation sociale est source de nombreuses difficultés du fait de sa complexité (diversité des situations, multiplicité et diversité des règles de compétences des caisses et des organismes). Les voyageurs, isolés, ont du mal à se sortir des complexités administratives.
Bien que la couverture sociale soit un élément important de prise en charge, mais ceci reste insuffisant. Il faut que les familles retrouvent une certaine insertion sociale pour se prendre en charge .
La revue de la littérature nous a permis d'aborder les connaissances concernant la population tsigane en général, et plus particulièrement la population tsigane gitane. Nous n'avons pas retrouvé d'articles concernant la population tsigane manouche. Les constats faits dans un département ne sont pas forcément applicables dans d'autres. Toutefois, nous pouvons émettre l'hypothèse que l'état de santé des tsiganes rencontrés dans la revue de la littérature n'est pas satisfaisant en particulier celui des femmes enceintes et des enfants.
L'approche de la santé chez les tsiganes est particulière : approche globale, familiale, prédominance des soins curatifs.
Il existe des difficultés administratives pour accéder à une couverture sociale.
3 OBJECTIF DE L'ETUDE.
Je me suis fixée l'objectif d'identifier les problèmes de santé materno-infantiles de la population manouche du Sud du département de la Loire, en m'appuyant :
• sur l'analyse des informations disponibles auprès de la Protection Maternelle et Infantile et des services hospitaliers.
• sur le point de vue des familles et des différents professionnels.
Cette approche de la population manouche doit permettre de dégager des priorités d'action du service de promotion de la santé, mieux adaptées aux besoins de cette population.
2 POPULATION ET TERRITOIRE CONCERNES.
La population qui est au centre de ce diagnostic communautaire, est celle des mères et des enfants de 0 à 16 ans, manouches et connus de l'association ARIV.
A partir des dossiers de l'association, nous avons pu quantifier cette population. Elle compte 33 femmes de 0 à 45 ans, en âge de procréer, et 120 enfants de 0 à 16 ans. Cette population est semi-sédentaire. Elle voyage sur le Sud du département de la Loire et, parfois, dans les départements limitrophes, surtout au printemps et en été (Ardèche, Haute Loire, Rhône, Isère). Elle s'installe sur les terrains aménagés (Sury le Comtal, Bonson, Saint-Chamond, Saint Martin la Plaine, Rive de Gier, La Talaudière), ou sur des simples lieux de passage.
2 METHODE DE RECUEIL DES INFORMATIONS.
Elle consiste à rassembler :
• les informations existantes sur l'état de santé materno-infantile et sur les facteurs l'influençant :
• à obtenir le point de vue des mères concernant leur santé et celle de leurs enfants,
• à obtenir le point de vue des personnes au contact des familles manouches.
a) Informations recueillies auprès de l'association ARIV.
Un questionnaire a été réalisé en direction de l'association ARIV (cf.Annexe 4).
Celui-ci est rempli par le personnel de l'association.
Il nous apporte, des éléments démographiques : nombre de familles, nombre d'enfant et, leur âge, lieu de naissance, des éléments sur le logement, le transport, les lieux de passage des voyageurs, des éléments sur la protection sociale, des éléments de santé : âge de la première grossesse, espacement des naissances, nombre moyen d'enfants par femmes.
Ces éléments ont été comparés avec ceux retrouvés dans une consultation de Protection Maternelle et Infantile du Territoire Gier-Ondaine-Pilat. La population témoin a été tirée au sort par méthode élémentaire.
Le tabagisme chez la femme, l'alcoolisme chez l'homme ou la femme ont également été examinés.
b) Eléments de santé collectés par le service Protection Maternelle et Infantile.
Un dossier médical est ouvert pour chaque enfant vu à la consultation de Protection Maternelle et Infantile.
Les dossiers nous apportent des renseignements sur l'état de santé des enfants, la couverture vaccinale, la prise de vitamine D.
Le service de Protection Maternelle et Infantile recueille les certificats du Sème jour, du 9ème mois et du 24ème mois de l'enfant.
Les certificats du Sème jour apportent des données relatives sur la grossesse, le suivi médical, la préparation à l'accouchement, l'âge des mères, le poids de naissance de l'enfant, le terme. Ils sont systématiquement remplis et sont transmis directement à la Protection Maternelle et Infantile par l'intermédiaire de l'infirmière puéricultrice de liaison P.M.I.-Maternité.
Les certificats du 9ème et 24ème mois sont réalisés, soit par un médecin dans un cabinet privé (pédiatre ou omnipraticien), soit par le service de Protection Maternelle et Infantile, rarement par un service hospitalier.
L'association ARIV sert de domiciliation pour les familles manouches, ce qui nous permet, sur le territoire d'action sociale du Gier-Ondaine-Pilat, de recevoir les certificats de ces familles.
Toutefois, les examens du 9ème et 24ème mois ne sont pas toujours réalisés par les gens du voyage (leur non-réalisation n'entraîne plus de sanctions financières de la part de la Caisse d'Allocations Familiales).
Il est souvent difficile de récupérer les certificats, ceux-ci devant être envoyés par les familles ou transmis au service de Protection Maternelle et Infantile par le biais de l'association.
c) Eléments de santé collectés auprès des services hospitaliers.
Nous avons consulté les quatre Centres Hospitaliers du Sud du département de la Loire :
Le centre hospitalier et universitaire de SAINT-ETIENNE, Le centre hospitalier de MONTBRISON, Le centre hospitalier de SAINT-CHAMOND, Le centre hospitalier de FERMINY.
Le questionnaire ARIV nous a permis de connaître le lieu de naissance des enfants ; 10% se déroulent au centre hospitalier d'ANNONAY en Ardèche. Cette ville est limitrophe du département de la Loire, et un certain nombre de familles manouches y séjournent régulièrement. C'est pourquoi, il nous a paru intéressant de le consulter également.
Nous avons consulté les services de maternité et de pédiatrie, et recueilli des informations dans les dossiers d'hospitalisation :
informations sur le suivi médical des grossesses, accouchement, causes d'hospitalisations des enfants.
d) Eléments de santé collectés auprès des médecins.
*Les médecins généralistes*
Nous en avons consulté six par entretiens téléphoniques.
Quatre sur le département de la Loire, répartis sur le Sud du département, Deux hors du département, en Ardèche et en Haute-Loire.
Les médecins ont été choisis d'après les certificats du 9ème et 24ème mois ou les comptes rendus hospitaliers.
Ils semblaient intervenir plus fréquemment que d'autres auprès des gens du voyage.
Les questions étudiées ont été :
le suivi médical des gens du voyage, en particulier des enfants, l'accès aux soins.
*Le service SOS Médecins à SAINT-ETIENNE*
SOS Médecins possède un fichier informatique permettant d'avoir des informations sur le patient, son âge, l'heure de l'intervention, le diagnostic, la couverture sociale. Nous leur avons fourni les noms des familles manouches qui vivent ou circulent sur le département (informations recueillies auprès de l'association ARIV). Bien que l'association connaisse bien la population manouche vivant sur le département, il est possible que certains aient échappé à nos investigations.
Toutefois, nous pouvons avoir des renseignements sur le nombre d'appels par famille au cours d'une année, l'âge des consultants, les pathologies retrouvées, la couverture sociale.
e) Point de vue des familles de voyageurs.
Un questionnaire aux familles a été réalisé(cf.Annexe 5). Les questions ont été posées par l'intermédiaire de l'Association ARIV.
Il s'adresse aux mères de famille. Il a été réalisé par l'association ARIV, car il existe une relation de confiance entre le voyageur et l'association. Certaines questions portent sur le service de Protection Maternelle et Infantile, il ne pouvait donc être rempli par elle, sous peine d'entraîner un biais. Il est court pour ne pas susciter de réactions de rejet et ouvert pour permettre le dialogue.
f) Point de vue de l'instituteur du camion école.
Un entretien avec l'instituteur permet de connaître :
• les zones d'intervention du camion école,
• le nombre d'enfants scolarisés,
• le nombre de demi-journées de scolarisation par semaine.
Il est proche de la population, il peut observer le mode de vie des familles, l'hygiène de vie et les déficits sensoriels.
g) Point de vue de la Commission Locale d'Insertion.
Après élaboration du contrat d'insertion par l'association ARIV, organisme instructeur, la Commission Locale
d'Insertion examine et valide le contrat d'insertion. Elle porte donc un regard sur la qualité et l'utilité du contrat
1 DESCRIPTION DE LA POPULATION MATERNO-INFANTILE MANOUCHE ET ELEMENTS DE SANTE COLLECTES AUPRES DE L'ASSOCIATION ARIV.
34 familles ayant des enfants à charge sont recensées à l'association, dont 120 enfants de 0 à 16 ans.
• 24 enfants entre 0 et 2 ans,
• 35 enfants entre 2 ans et 6 ans,
• 61 enfants entre 6 et 16 ans.
Le lieu de naissance (cf.Annexe 6).
40,8% des enfants de notre étude naissent à l'Hôpital de SAINT-CHAMOND.
Selon l'association, il s'agit d'une habitude ancienne d'accoucher de préférence dans cet
hôpital.
- 25% des enfants manouches naissent hors du département, dont 10% à l'Hôpital d ‘ ANNONAY en Ardèche, les 15% restants, naissent dans des départements limitrophes (Isère, Rhône, Haute-Loire).
- 17% des naissances ont lieu à l'Hôpital de MONTBRISON.
Puis viennent ensuite, l'Hôpital de FIRMINY et le Centre Hospitalier Universitaire de SAINT-ETIENNE, avec 8,6% des naissances.
Les femmes manouches viennent accoucher à FIRMINY lorsqu'elles se trouvent en Haute-Loire, à la limite des deux départements.
L'Hôpital de SAINT-ETIENNE est peu fréquenté par la population manouche. Les terrains de SAINT-ETIENNE sont fréquentés en grande partie par la population
Yéniches.
Eléments de santé.
L'âge moyen de la maternité est de 17,6 ans contre 28,7 ans, en 1993, dans la population générale française.
Au jour de notre étude, le nombre moyen d'enfants par famille est de 4,15 (y compris les plus de 16 ans)., contre un taux de fécondité en France, en 1993, de 1,65.
L'écart moyen entre deux grossesses est de 2,1 ans.
Nous avons comparé ces chiffres avec ceux de la population d'une consultation de Protection Maternelle et Infantile, située sur le Territoire d'action sociale du Gier-Ondaine-Pilat. Le groupe témoin est identique au groupe des femmes manouches
soit 34.
L'âge de la première grossesse est plus bas chez les femmes manouches que dans le groupe témoin. L'écart moyen entre deux grossesses est plus faible chez les femmes manouches que dans le groupe témoin.
Le nombre moyen d'enfants par femme au moment de notre étude est plus important dans la population manouche que dans le groupe témoin .
Le nombre de femmes fumeuses est de 75% contre 25% dans l'enquête périnatale INSERM de 1995 (la grossesse ne changeant aucunement le mode de vie des tsiganes).
La protection sociale.
Sur les 34 familles 27, soit 30%, bénéficient de l'assurance personnelle et de l'aide médicale ou de la carte santé 100%.
5 familles bénéficient de l'assurance personnelle sans couverture complémentaire. 2 familles sont sans droit, car elles ne font pas les démarches nécessaires;
L'accès aux soins est donc globalement satisfaisant dans cette population.
La généralisation de l'assurance maladie, l'amélioration du dispositif en 1988 avec le revenu minimum insertion, puis en 1992 sur la loi de l'aide médicale, a certainement contribué à un meilleur accès aux soins de cette population. De plus, l’ARIV permet de les aider dans leurs démarches administratives.
Le logement et les moyens de locomotion.
8 familles sur 34 habitent dans une roulotte tirée par des chevaux, soit environ 23% de la population.
Ce taux, relativement important, s'explique par des difficultés pour obtenir le permis de conduire compte tenu de l'illettrisme de cette population, mais aussi par retrait du permis de conduire pour conduite en état d'ivresse. La famille reprend alors la roulotte.
La roulotte est un lieu de vie peu confortable surtout en hiver car mal isolée. Le chauffage par le poêle à bois est traditionnel.
2 ELEMENTS DE SANTE COLLECTES PAR LE SERVICE PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE.
La consultation de Protection Maternelle et Infantile, dans les locaux de l'association ARIV a lieu une demi-journée par mois, sauf pendant les mois de Juillet et Août. Nous avons des dossiers pour 27 enfants manouches, soit un taux de couverture vis-à-vis de l'ensemble de la population recensée de 27%.
- 9 enfants ont entre 0 et 2 ans (soit un taux de couverture, pour cette tranche d'âge, de 37,5%).
- 15 enfants ont entre 2 et 6 ans (soit un taux de couverture des 2-6 ans de 42,8%).
- 3 enfants ont plus de 6 ans (soit un taux de couverture de 4,9%).
Nous touchons essentiellement les petits enfants (0-6ans) alors que 51% de la population
ARIV a plus de 6 ans.
Trois enfants de plus de six ans ont été rencontrés à la consultation, ne possédaient
aucune vaccination et n'avaient aucun suivi médical (cf. Annexe 8).
Fréquentation de la consultation.
- 37,6% des enfants sont venus plus de trois fois à la consultation.
- 62,4% des enfants sont venus trois ou moins de trois fois (20,8% sont venus une fois)
Nous n'avons donc pas établi de soins préventifs chez un bon nombre d'enfants, mais simplement commencé à approcher et à connaître cette population.
Les vaccinations des enfants ayant fréquenté la consultation.
- 29,6% des enfants connus n'ont encore aucune vaccination. Dans ce groupe, les vaccinations n'ont pu être entreprises car ils ne sont venus qu'une seule fois. La vaccination est toujours l'objet de discussion et d'un travail d'explication de la part de l'équipe de Protection Maternelle et Infantile.
- 48,2% ont des vaccinations commencées mais non à jour.
- 22,2% des enfants sont à jour, soit 6 enfants.
La prise de vitamine D se fait de manière régulière à la consultation, sans aucune résistance des familles. Nous n'avons pas rencontré de rachitisme dans la population des enfants connus.
Données des certificats de santé du Sème jour de 1995 et 1996.
Le faible nombre de certificats sur ces deux années 1995/1996, ne pourrait faire l'objet d'une thèse, toutefois, il nous permet d'établir une comparaison avec les données enregistrées sur le reste de département de la Loire.
20 naissances sont recensées à l'association ARIV au cours des années 1995 et 1996, 19 certificats du Sème jour ont été reçus.
On retrouve deux mères dont l'âge est inférieur à 18 ans (10,5% de notre population), chiffre plus élevé que celui du département (0,3%).
Le suivi médical des femmes pendant leur grossesse est mauvais :
94,8% d'entre elles ont moins de sept consultations prénatales, dont 36,8% n'ont aucun
suivi et se rendent à l'hôpital la première fois pour accoucher.
Le taux de césarienne n'est pas plus élevé que dans le reste du département, mais les petits poids de naissance sont plus fréquents.
La préparation à l'accouchement est inexistante.
L'allaitement est peu fréquent, 26,3% des femmes allaitent leur bébé à la naissance
(cf.Tableau n°2-Annexe 9).
Données des certificats du 9ème et 24eme mois de 1995 et 1996.
Les éléments de santé collectés par ces certificats restent partiels car nous n'en recevons qu'une faible partie par rapport au nombre d'examens qui devraient être réalisés. Nous avons reçu 8 certificats sur 15 attendus pour le 9ème mois. L'examen du 24ème mois est encore plus mal réalisé puisque nous n'avons reçu que 4 certificats pour 15 attendus.
Ils nous permettent toutefois d'avoir des renseignements sur la couverture vaccinale. Cette dernière est mauvaise (cf.Tableau n°3-Annexe 10).
3 ELEMENTS DE SANTE COLLECTES AUPRES DES SERVICES HOSPITALIERS.
a) Le suivi obstétrical.
Sur trente-sept naissances recensées à l'ARIV, entre Janvier 1993 et Décembre 1996, trente et un dossiers hospitaliers ont été consultés. Cette période a été choisie plus large pour que la population soit plus grande, et les données plus interprétables. Il peut exister plusieurs dossiers pour une même femme.
Certains éléments sont similaires à ceux recueillis sur les certificats du Sème jour, en 1995 et 1996 : nombre de consultations prénatales, césarienne, terme inférieur à 37 semaines, poids inférieur à 25OO G.
D'autres éléments ont été recherchés : déclaration tardive de grossesse, HTA chez la mère au moment de l'accouchement, sorties précoces de la maternité avant le Sème jour, résultats des sérologies toxoplasmose, rubéole, Hépatite B.
Le nombre de consultations prénatales.
-12 femmes sur 31, soit 38,7%, se présentent à la maternité pour accoucher ; elles n'ont eu auparavant, aucun suivi de grossesse.
- 27 femmes sur 31, soit 87%, ont eu moins de six consultations prénatales.
Déclaration tardive de grossesse.
- 24 femmes sur 31, soit 77,4%, ont déclaré leur grossesse après 3 mois. Sérologies chez la femme enceinte.
- 75% des femmes sont immunisées pour la toxoplasmose.
La sérologie Hépatite B est négative dans tous les cas.
La sérologie Rubéole est positive dans tous les cas hormis dans le dossier d'une femme de 16 ans, enceinte, qui présentait une sérologie rubéolique négative.
La réalisation des sérologies nous apparaît essentielle à réaliser dans cette population avant et au décours de la grossesse, depuis l'histoire de Madame R et de son enfant B.
Madame R. est âgée de 23 ans. Elle est enceinte pour la troisième fois. Elle a déjà une petite fille et un petit garçon en bonne santé. La grossesse a été mal suivie. Elle accouche d'une petite fille à 34 semaines d'aménorrhée, grande dysmature (poids de naissance 1640 G., taille 40,5 cms, périmètre crânien de 29,5 cms).
La sérologie rubéolique permet d'évoquer une séroconversion probable chez la maman en début de grossesse. L'enfant B. a des images évocatrices, au niveau osseux, des rubéoles congénitales. L'ETF retrouve des lésions cérébrales kystiques évocatrices. Le bilan ORL permet d'évoquer une surdité bilatérale.
L'enfant B. est rendu à sa famille à deux mois de vie. Un suivi Protection Maternelle et Infantile a été instauré avec essai de prise en charge par le suivi d'aide familiale et de rééducation précoce à SAINT-ETIENNE. Mais, après deux séances, les parents se découragent et ne voient pas l'utilité d'un suivi de leur enfant toutes les semaines. Les relations avec l'organisme se dégradent.
De plus cette prise en charge les contraindrait à ne plus voyager, ce qui ne peut être envisageable pour eux. Des appareils auditifs sont quand même mis en place mais ils seront peu utilisés par la famille.
Nous continuons à voir l'enfant B. épisodiquement en P.M.I. C'est une petite fille éveillée, à 17 mois elle marche, grimpe sur tout ce qui se trouve à sa portée. Elle se fait comprendre par des gestes, réclame des sucreries à sa mère qui, souvent, lui cède. Elle ne prononce pas de mots.
Malgré son handicap, l'enfant B. a toute sa place au sein de sa famille. Il se pose toujours le problème de la prise en charge ultérieure.
HTA.
4 femmes sur 31, soit 12,9%, présentaient une HTA sévère avec protéinurie (prééclampsie) au moment de l'accouchement.
(incidence prééclampsie = 2,5%.Etude SAFTLAS Am J.Obst.Gyn.1992, 163 : 460-465).
Césarienne.
5 femmes sur 31, soit 16,1%, ont subi une césarienne. Dans trois cas, il s'agissait d'une présentation du siège, dans les deux autres d'une souffrance foetale aiguë. Le taux de césarienne n'est guère plus élevé que dans la population générale (13% dans les résultats nationaux, certificats du Sème jour 1995)
Le poids de naissance.
32,25% des enfants présentent un poids de naissance compris entre 2000 et 2500 G. Le chiffre est bien plus élevé que dans la population générale (3,8% dans l'enquête INSERM 1981 et 5,78% résultats nationaux, certificats du Sème jour 1995. (cf.Tableau n°4-Annexe 11).
Sorties précoces.
22 femmes sur 31, soit 70,9%, sortent de la maternité avant le Sème jour ; la plupart du temps le deuxième jour, parfois le jour même de l'accouchement.
b) L'hospitalisation des enfants.
Nous avons consulté les dossiers des enfants hospitalisés sur les années 1995 et 1996.
39 enfants manouches, soit 32,5% de notre population, ont été hospitalisés en 1995 et 1996 dans les hôpitaux du Sud du département et dans celui d'ANNONAY.
D'autres hospitalisations ont sans doute eu lieu au gré du voyage dans d'autres départements (Isère, Haute-Loire), mais elles ne sont pas recensées dans notre étude. On retrouve 93 hospitalisations pour ces 39 enfants, soit une moyenne de 2,38 hospitalisations par enfant sur deux ans.
La durée moyenne d'hospitalisation des enfants manouches est de six jours. Dans la thèse de A.HELLO (13), la durée moyenne d'hospitalisation des enfants voyageurs en 1997 est de 6,7 jours contre 4,4 jours dans la population globale du service pédiatrie. Les garçons sont plus fréquemment hospitalisés que les filles (76,34% des cas).
Le statut vaccinal.
Il a été retrouvé dans les dossiers médicaux pour 23 enfants.
- 3 enfants sont à jour de leur vaccination, soit 13,04%,
- 5 enfants ont des vaccinations commencées mais non à jour, soit 21,74%,
- 15 enfants n'ont aucune vaccination lors de leur entrée à l'hôpital, soit 65,22%.
Les vaccinations sont souvent commencées à la fin du séjour hospitalier lorsque l'enfant est guéri.
Répartition des hospitalisations en fonction de l'âge.
Le petit enfant de moins de un an est très fréquemment hospitalisé, 62 hospitalisations, soit 66,67% concernent les enfants de moins de un an.
Au premier rang, on trouve les maladies infectieuses et parasitaires dont les gastroentérites aiguës, contrairement à l'enquête SESI de morbidité hospitalière 1985-1986, où ce sont les affections dont l'origine se situe en période néonatale qui sont en tête.(cf.Tableau n°5-Annexe 12).
L'anémie férriprive est notée dans le dossier des enfants de moins d'un an dans 29,03% des cas. L'hypotrophie staturo pondérale dans 7,6% des cas.
Pour les enfants de un à cinq ans, les maladies infectieuses et parasitaires sont encore au premier rang dans cette tranche.
Les premières causes, dans l'enquête SESI 1985-1986, sont les maladies de l'appareil respiratoire, les maladies infectieuses n'arrivant qu'au 6ème rang.
10 hospitalisations ont été retrouvées dans les services de pédiatrie pour les enfants de plus de cinq ans. Les pathologies étaient traumatiques (chute avec fractures) ou génétiques (lithiase rénale familiale).
Les accidents domestiques.
Dans la tranche d'âge l-5ans, 28,57% des hospitalisations sont en rapport avec des accidents domestiques : intoxication médicamenteuse, intoxication au gaz carbonique, chute avec fractures, accidents de la circulation, brûlures.
Les brûlures sont fréquentes chez les jeunes enfants manouches, elles ne nécessitent pas toujours une hospitalisation. Parfois, elles peuvent avoir des conséquences graves tel l'histoire de cet enfant âgé de un an.
M. commence à marcher. Il se brûle au bras sur le réchaud extérieur de la caravane . Il s'agit d'une petite brûlure et les parents ne consultent pas. Quelques jours plus tard, il est hospitalisé en urgence pour une détresse respiratoire.
L'examen radiographique retrouve un poumon blanc bilatéral secondaire à une infection à staphylocoque doré. La porte d'entrée est cutanée. Secondairement, il va présenter une glomérulo néphrite aiguë post infectieuse nécessitant une corticothérapie.
Un suivi à domicile par l'infirmière puéricultrice de Protection Maternelle et Infantile sera effectué.
Les maladies congénitales.
9 maladies congénitales ont été retrouvées dans la population des enfants manouches connus de l'association ARIV.
Parmi la population des 120 enfants, 7,5% présentent une maladie congénitale : maladies rénales, trisomie 21, dysplasie exodermique, malformation cardiaque.
Les maladies congénitales ont été soit découvertes à la consultation de Protection Maternelle et Infantile, soit par les services hospitaliers, soit connus de l'association.
4 ELEMENTS DE SANTE COLLECTES AUPRES DES MEDECINS.
Selon les médecins, la carte santé 100%, a amélioré considérablement l'accès aux soins. Quand un des membres de la famille est malade, ils consultent rapidement. Ils se font donc globalement bien soigner.
Suivi médical des enfants.
Les enfants sont vus lorsqu'ils sont malades. Le fait de se déplacer au cabinet du médecin ne pose aucun problème. Par contre, le suivi est difficile, par exemple, malgré les conseils en matière vaccinale, ils ne reviennent pas au rendez-vous.
b)Eléments de santé collectés auprès de SOS Médecins.
SOS Médecins intervient sur les terrains situés à SAINT-ETEENNE.
Peu de familles manouches stationnent sur ces terrains, ils sont fréquentés, en général, par des familles yéniches.
Cependant, trois familles interpellent régulièrement SOS Médecins.
En 1995, on recense 24 interventions.
En 1996, 23 interventions chez ces trois familles.
L'âge des patients et le diagnostic.
- 17,02% des patients ont moins d'un an, ils souffrent exclusivement de pathologies infectieuses.
-19,15% des patients ont entre 1 et 5 ans, dont 88,9% ont aussi une pathologie infectieuse.
- 29,78% des patients ont entre 5 et 16 ans. Ils présentent une pathologie infectieuse dans 85,7% des cas.
- 34,05% des patients sont des adultes.
La couverture sociale.
- 57,45% des consultations sont couvertes par la carte 100% départementale.
- 27,66% des consultations sont prises en charge par l'aide médicale gratuite.
- 4,25% des consultations ont été payées avec remboursements Sécurité Sociale.
- 10,64% des consultations sont impayées.
La couverture sociale permet donc un bon accès aux soins. Selon SOS Médecins, il paraît important d'intervenir sur les terrains de manière préventive. Ils sont sollicités en urgence, mais constatent que le suivi médical régulier des enfants n'est pas fait.
5 POINT DE VUE DES FAMILLES DE VOYAGEURS.
Un questionnaire à l'intention des mères de familles manouches a été élaboré
. Il a pour but d'interroger les mères sur leur santé et celle de leurs enfants. 20 familles ont participé à cette enquête.
Les enfants.
100% des mères trouvent leurs enfants en bonne santé.
Dans 90% des cas, les mères vont chez le médecin lorsque leur enfant est malade, 10% vont à l'hôpital.
- 65% des mères interrogées connaissent la consultation des nourrissons contre 35% qui ne la connaissent pas.
- 60% des mères pensent qu'elles se rendraient plus facilement à la consultation sur le terrain, 40% pensent que cela ne changerait rien ou n'ont pas d'avis.
Les femmes.
Il n'y a aucune demande concernant l'accouchement, la préparation à la naissance. Selon l'équipe ARIV, à travers le questionnaire, on ressent que le sujet est " tabou " et que les femmes ne souhaitent pas en parler.
- 75% des femmes ne souhaitent pas de changement pour leur prochain accouchement.
- 45% des femmes pensent que les visites chez le médecin, lorsque l'on est enceinte sont inutiles.
- 60% des femmes souhaitent être mieux informées en matière de contraception.
0 POINT DE VUE DE L'INSTITUTEUR DU CAMION ECOLE.
Avant la création du camion école, les enfants manouches n'étaient pas scolarisés. Actuellement, le camion école stationne :
- quatre demi-journées par semaine sur le terrain de SURY LE COMTAL,
- deux demi-journées par semaine sur le terrain de SAINT-CHAMOND,
- deux demi-journées par semaine sur le terrain de RIVE DE GIER.
Environ 40 enfants manouches sur les 120 connus à l'association ARIV sont scolarisés. Au début, le camion école suivait les familles qui se déplaçaient, mais l'augmentation de l'effectif et l'absence de moyen ont conduit à adopter une organisation différente.
L'instituteur a commencé un travail d'intégration des enfants dans les écoles traditionnelles. Il faut vaincre les résistances des parents qui ont peur pour leurs enfants mais aussi celles des enseignants. Les enfants commençant l'école plus tardivement que les autres ne peuvent intégrer les mêmes cours que les autres enfants. L'instituteur travaille sur les acquisitions premières mais aussi sur la représentation du corps (hygiène du corps, hygiène de vie).
L'instituteur a repéré certains troubles visuels et auditifs chez les enfants, qui ne semblent pas dû à un problème d'attention. Il souhaite que des examens de dépistage soient mis en place, ceux-ci ne pouvant être fait par la médecine scolaire.
7 POINT DE VUE DE LA COMMISSION LOCALE D'INSERTION DU GIER.
A la lecture des contrats, la Commission Locale d'Insertion a remarqué que peu de contrats portaient sur la santé.
Les personnes concernées sont des adultes et le contrat sert de levier pour consulter un spécialiste, pour essayer de poursuivre un suivi médical chez le médecin traitant ou au centre médicopsychologique.
Elle s'interroge sur le décalage entre la nécessité d'un suivi médical pour les enfants et l'absence de contrats portant sur ce thème.
Selon la Commission Locale d'Insertion, un contrat portant sur la santé n'est pas une obligation de soins, mais bien une sensibilisation de la famille aux problèmes de santé. Une des autres priorités des membres de la Commission Locale d'Insertion du Gier est de favoriser la scolarité des enfants, de l'imposer quelquefois par l'intermédiaire du contrat d'insertion.
Discussion.
LA POPULATION TSIGANE MANOUCHE A DES BESOINS DE SANTE IMPORTANTS.
La prééclampsie est plus fréquente que dans la population générale, l'HTA au cours de la grossesse n'est pas toujours dépistée, du fait de l'absence de suivi. Le suivi médical des femmes pendant leur grossesse est mauvais. Le poids de naissance des nouveaux nés est inférieur à celui de la population générale.
Le suivi médical préventif des enfants est difficile à réaliser, aussi bien par les médecins généralistes que par les services hospitaliers. Ils agissent au niveau des soins curatifs.
En matière vaccinale, la consultation des dossiers de Protection Maternelle et Infantile ou des services hospitaliers montrent la mauvaise couverture, mais aussi les difficultés de réalisation dans cette population.
Il paraît urgent de vacciner au plus vite les enfants.
La vie en plein air leur fait courir des risques (plaies, brûlures). Ils ne sont pas protégés contre le tétanos. Le cas de rubéole congénitale, en 1996, nous a fait prendre conscience qu'il est indispensable d'avoir une politique vaccinale à rencontre des filles non encore pubères contre la rubéole. La vaccination après la puberté peut être dangereuse, car nous l'avons vu, les grossesses sont précoces dans cette population.
Les pathologies infectieuses et parasitaires sont la première cause d'hospitalisation des enfants. Des conseils et un suivi préventif de l'infirmière puéricultrice de Protection Maternelle et Infantile devraient permettre de les faire diminuer.
L'allaitement maternel est plus faible que dans la population générale française
(26,3% contre 45,8%). L'association ARIV, qui rencontre les mères régulièrement, ainsi que l'infirmière puéricultrice de Protection Maternelle et Infantile doivent inciter les mères à allaiter leurs bébés.
La stérilisation du biberon n'est pas réalisée et le manque d'asepsie est cause de nombreuses gastro-entérites aiguës.
Les besoins de santé de la population tsigane manouche sont plus importants que ceux d'autres groupes de voyageurs, tels que les yéniches sur le Sud du département de la Loire.
Les certificats du Sème jour montrent que les femmes yéniches font suivre régulièrement leur grossesse.
La couverture vaccinale des enfants yéniches est de bonne qualité d'après les dossiers de la consultation de Protection Maternelle et Infantile.
IL S'AGIT D'UNE POPULATION PEU IMPORTANTE ET DISPERSEE SUR TOUT LE DEPARTEMENT.
La population manouche du Sud du département de la Loire compte 120 enfants de 0 à 16 ans. Cette population est celle d'une consultation moyenne de Protection Maternelle et Infantile de secteur de la Vallée du Gier. Les enfants de 0 à 6 ans sont encore moins nombreux, mais nous l'avons vu précédemment, les besoins de santé n'existent pas que dans cette tranche d'âge. Les besoins en matière vaccinale et les conseils de l'infirmière puéricultrice sont importants dans la population des plus de 6 ans. Le petit nombre d'enfants concernés et leur dispersion, expliquent les difficultés d'intervention sur cette population.
IL EXISTE UNE DEMANDE DE SOINS DE LA POPULATION MANOUCHE.
Bien qu'il existe un fond de croyances mythiques (destin inexorable, lutte entre bons et mauvais esprits), le recours à une médecine traditionnelle (type apposition des mains), n'est pas satisfaisant aujourd'hui, notamment à l'égard de l'enfant. Les mères ont recours aux services hospitaliers ou aux médecins traitants avec qui elles nouent des relations de confiance.
Existe-t-il une démarche de santé préventive ?
Depuis cinq ans qu'a lieu la consultation de Protection Maternelle et Infantile dans les locaux de l'association ARIV, les idées avancent. Alors qu'auparavant, il était très difficile de vacciner un enfant, c'est chose plus facile aujourd'hui. L'infirmière puéricultrice a commencé à rencontrer les mères et les enfants. Il existe une forte demande de dialogue et de conseils des mères. Ce travail apparaît intéressant.
Mais celui-ci ne peut se réaliser que dans une relation de confiance avec l'équipe de Protection Maternelle et Infantile. L'équipe intervenante doit être toujours la même.
Nous avons pu entendre, lors des consultations et à plusieurs reprises, des démarches de soins préventifs du type " il est toujours malade, il faut faire quelque chose ", ou lors de la naissance d'une petite fille atteinte de rubéole congénitale des demandes de vaccinations de leur enfant.
Il n'existe pas de demande, actuellement, pour des informations sur la grossesse, sujet qui reste " tabou ".
Le suivi médical des femmes pendant la grossesse ne doit pas faire l'objet de séances collectives d'éducation pour la santé. Ce travail doit se réaliser de manière individuelle, lorsque nous rencontrons les femmes en consultations de Protection Maternelle et Infantile ou lors d'entretien avec l'association ARIV.
Le fonctionnement actuel de la consultation de Protection Maternelle et Infantile dans les locaux de l'association ARIV n'est pas pertinent.
Nous ne touchons qu'une partie de la population et les mères ne reviennent pas régulièrement à la consultation.
L'instituteur du camion école a entrepris une intégration progressive des enfants manouches à l'école traditionnelle, mais celle-ci nécessite, auparavant, une démarche sur le terrain : donner le goût d'aller à l'école pour pouvoir ensuite s'y rendre.
La démarche du service de Protection Maternelle et Infantile doit être identique et il existe d'ailleurs une demande de certaines familles pour que la consultation se rende sur les terrains (60% des mères interrogées).
L'ACCES AUX SOINS.
La couverture sociale de cette population est de bonne qualité (carte 100%, AMG). Les difficultés administratives sont réglées par l'association ARIV.
LIMITES DU TRAVAIL REALISE.
Les informations recueillies sont dispersées et nous n'avons pas consulté, en raison des contraintes de temps et de moyens, les services hospitaliers d'autres départements (Isère, Haute-Loire).
Nous ne connaissons donc pas le véritable nombre d'hospitalisations par enfant.
Nous n'avons pas recueilli d'informations auprès des services d'urgence généraux et nous avons peu de renseignements sur les consultations en urgence dans les services hospitaliers.
Le travail de la puéricultrice de Protection Maternelle et Infantile, qui a commencé à intervenir sur le terrain, n'est pas quantifiable. Les statistiques actuelles du service sont difficilement applicables à la population des gens du voyage.
CONCLUSION.
Les constats sont assez semblables à ceux faits dans la littérature, notamment avec la population tsigane gitane de Toulouse.
L'état de santé de la population tsigane manouche du Sud du département de la Loire n'est pas satisfaisant.
Le suivi des femmes enceintes est insuffisant. La prééclampsie, les nouveaux nés de poids inférieur à 2500 G sont plus fréquents que dans la population générale.
Les enfants souffrent principalement de pathologies infectieuses.
La couverture vaccinale est mauvaise.
Cette démarche de diagnostic communautaire aura été une expérience enrichissante pour le médecin de Protection Maternelle et Infantile.
La recherche de références bibliographiques m'a permis des échanges systématisés avec les professionnels intervenants chez les "gens du voyage" dans d'autres départements que celui de la Loire.
J'ai été en contact avec différents professionnels locaux : médecins généralistes, chefs de services hospitaliers, partenaires sociaux, que notre pratique quotidienne habituelle nous fait peu rencontrer.
Pour le service de Protection Maternelle et Infantile, ce travail a permis de créer pour chaque famille un dossier médical à partir de renseignements recueillis en milieu hospitalier. Il renforce le partenariat avec l'association ARIV pour une meilleure prise en charge de leur santé. Sans l'association ARIV, ce dispositif de santé publique communautaire n'aurait pu voir le jour.
Cette étude aide à la formulation de propositions d'actions du service Protection Maternelle et Infantile.
Les actions doivent s'intégrer dans une démarche de santé familiale :
1. La mise en place de temps de travail pour l'infirmière puéricultrice en direction des manouches. Elle est le véritable réfèrent de la santé familiale. Les visites à domicile, la rencontre régulière des mères sont capitales pour faire émerger du groupe une demande de soins adaptés à cette population. Par exemple, le suivi de grossesse ne se mettra en place que grâce au dialogue et à l'écoute de ces femmes. L'action de l'infirmière puéricultrice ne doit pas se limiter au Territoire du Gier-Ondaine-Pilat, mais à tout le Sud du département de la Loire.
2. Mise en place d'une consultation itinérante, une demi-journée par mois, sur les différents lieux de passage du Sud du département de la Loire. Cette action se réalisera en partenariat avec l’Association ARIV compte tenu de sa connaissance des terrains fréquentés à un moment donné. Il paraît indispensable, dans un premier temps, d'aller à la rencontre de cette population. Cette consultation sera renforcée par l'action en amont de l'infirmière puéricultrice.
3. La poursuite et le renforcement des actions entreprises par l'instituteur du camion école: connaissance du corps qui contribuera à faire tomber le "tabou" qui entoure la grossesse et permettra, à moyen et à long terme, d'améliorer son suivi ; rôle d'éducation sanitaire (hygiène, alimentation).
Pour la réussite de notre projet, ces propositions doivent intégrer au maximum la population tsigane manouche.