Histoire et origine des Roms



Hymne Tsigane
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Trouver le pays d'origine des Roms fut un grand défi, depuis le Moyen Age où ils sont apparus en Europe, pour les habitants des pays où ils venaient, aussi bien que pour les historiens. Il n'est pas possible de donner la date exacte de leur arrivée en Europe, car les différents groupes de Roms se dispersaient en Europe, l'un indépendamment de l'autre, chacun empruntant son propre chemin. On peut s'appuyer seulement sur des documents des archives municipales. Les données montrent leur apparition "officielle", sans pourtant indiquer la date de leur arrivée. Les mentions dans les archives sont généralement liées à un événement concret.

Les chroniques de l'époque parlent souvent d'escamoteurs qui amusaient les seigneurs féodaux, de danseurs habillés en costumes brillants, aimés des aristocrates et détestés des citoyens honorables. On pouvait facilement confondre les Roms avec des bandes vagabondes des "artistes". On pouvait donc voir au XIVe siècle en Europe, soudainement, des groupes de gens qui se déplaçaient souvent et qui différaient des autres gens par la couleur foncée de leur peau, par leur façon de s'habiller, par leur mode de vie, par leur langue incompréhensible, par leur tempérament et l'absence de volonté de se soumettre à la pression de la population majoritaire.



Les savants moyenâgeux se posaient la question de savoir qui étaient les Roms, d'òu ils étaient venus dans les pays tchèques et quel est leur pays d'origine. Des siècles durant, l'Europe n'a pas su donner de réponse à ces questions.La mauvaise connaissance des Roms se traduisit aussi par la distance qui existait entre les Roms et les autres habitants, distance qui est propre encore aujourd'hui à la majorité des gens. En ce qui concerne l'origine des Roms, on estimait le plus souvent que ceux-ci seraient venus dans les pays chrétiens de l'Egypte. Or, dans nombre de pays, on les appela selon leur souche égyptienne supposée - Gitanos (en espagnol), Gypsies (en anglais), Gitans (en français) - mais ces noms dérivent, probablement, du nom de la région de l'Egypte Mineure au Péloponnèse en Grèce ou de la région de l'Asie Mineure. Dans les Balkans, on les a appelés par un nom qui avait été donné à l'origine à une secte manicheï de prêtres, Athiganoie - Atsiganos, d'où un nouveau groupe de noms - Zingaro (en italien), Tsigane (en français) Zigeuner (en allemand), Ciganie (en langues slaves) et Cikani en tchèque.

Un premier pas vers la réponse à la question de savoir qui sont les Roms a été fait par hasard, en 1763, par Stefan Vali, étudiant hongrois en théologie, qui a rencontré à Leyden en Hollande plusieurs Indes - Malabars, étudiants en médecine. Vali a été fasciné par leur ressemblance avec les Roms qu'il avait connus en Hongrie. Ne se contentant pas d'une impression extérieure, il a noté plus de mille mots malabars qu'ils utilisaient et leurs significations. De retour dans sa patrie, il s'est adressé aux Roms pour connaître la signification de ces mots. Il a été surpris par la ressemblance de leur langue. Une étude détaillée de linguistes, historiens, ethnologues qui a suivi, a prouvé que l'origine indienne des Roms était hors de doute.

A côté de la langue ce sont encore une étonnante ressemblance de certaines coutumes, des structures sociales analogues, le choix des professions, la même technologie de traitement des métaux, etc. qui témoignent de l'origine indienne des Roms. Ce sont les linguistes qui ont pu connaître le mieux l'histoire rom en étudiant l'évolution des dialectes roms. Grâce au fait que l'évolution de la langue a ses propres lois, les linguistes ont pu déterminer le plus précisément la date et le lieu de leur séjour. Parmi les premiers linguistes à l'avoir défini, il convient de mentionner Martin Block (1936): "Le nombre de mots roms étrangers empruntés répond à la durée du séjour des Roms à l'étranger." Grâce a cette explication on peut évaluer le départ des Roms de l'Inde vers l'Europe avec une plus grande précision.



De l'avis de linguistes et historiens, les Roms, après avoir quitté l'Inde, sont passés par la Mésopotamie vers le Proche-Orient et la partie asiatique de la Turquie, où une grande partie des Roms serait restée pendant environ trois siècles (entre le XIIe et le XVe siècles).

A cette époque-là, ils ont pu, pour la première fois, s'orienter dans la nouvelle culture, ce qui leur a facilité, plus tard, leur passage vers l'Europe. Suite à l'expansion mongole et turque, ils ont continué en passant par l'Asie Mineure et les Balkans, s'arrêtant un certain temps en Grèce, ce dont témoignent de nombreux mots grecs en rom, pour continuer par la vallée du Danube jusqu'en Europe centrale. Une autre aile est allée vers l'Arménie, le Caucase et, plus tard, la Russie pour atteindre même la Scandinavie. Au XVe siècle, les Roms ont déjà été dispersés dans toute l'Europe, y compris l'Angleterre et l'Ecosse.

Au début, ces gens provoquaient en Europe de la curiosité et leur allure exotique des interrogations sur les raisons de leur vie nomade et sur leur pays d'origine. Donc, au début, la population européenne a été indulgente à l'égard des nomades, les acceptant comme des pèlerins chrétiens repentis pour lesquels ils se prenaient. Les décrivant, les chroniqueurs les comparent à des Tartares. La peau foncée, ils s'approchaient des villes en de longues caravanes, à pied ou à cheval, les voitures bourrées de bagages, de femmes et d'enfants. L'Europe centrale avait encore en vive mémoire des attaques tartares. Se rendant bien compte de leur ressemblance avec les Tartares, les Roms se présentaient tels des gens paisibles et de bons chrétiens.


Parfois, on recevait les Roms cordialement, car ils apportaient une nouvelle technologie de traitement de fer et de métaux, de nouvelles expériences et venaient - comme ils le prétendaient - du Tombeau de Dieu. L'homme moyenâgeux qui demeurait toujours à la même place, concevait le cheminement comme une forme de sacrifice et de repentir. C'est pourquoi il considérait les gens qui voyageaient comme des repentis. Les Roms soutenaient ces idées par leurs propres légendes. Ils cherchaient à convaincre les citadins moyenâgeux qu'en cheminant ils devaient se repentir pour les péchés de leurs pères qui avaient refusé d'accepter la Sainte-Vierge avec l'Enfant-Jésus, en se sauvant devant Hérode en Egypte. Une autre légende répandue justifiait la vie nomade comme une punition pour le refus du christianisme. Cette trahison devait être payée par un cheminement qui durait sept ans.



En le milieu européen, les Roms se sont retrouvés dans une situation tout à fait particulière, car les normes non formelles de leur groupe n'étaient pas toujours en harmonie avec le système des normes et des valeurs de la population majoritaire et, encore aujourd'hui, il est difficile de trouver pour eux un compromis. Depuis toujours, les Roms vivaient dans des groupes clos. L'attitude de la population majoritaire a encore renforcé ce côté renfermé de leur vie dans des groupes et l'approche hostile des "gadgé" a encouragé, dans une certaine mesure, la solidarité entre les différents groupes roms.

Hélas, la société majoritaire demeurait et demeure toujours un groupe étranger pour les Roms qui, dans le passé, les rejetait dans la plupart des cas. Ainsi la traitent-ils aussi, sans hésiter, comme celle qui n'est pas "la leur" et qu'on peut voler, tromper ou escroquer, sans en avoir le moindre remords.


 La famille

  L'enfance

  La jeunesse

  L'âge adulte

  La vieillesse

  Professions traditionnelles


La famille


La famille joue un grand rôle dans la vie des Roms, car chez eux, tout se passe dans la famille qui satisfait tous leurs besoins. Pendant leur vie nomade, les Roms étaient indépendants de la société environnante et, par contre, entièrement dépendants de leur famille ou de leur groupe. La famille était un moyen de subsistance, elle accomplissait les fonctions éducatrices (sociales), protectrices et beaucoup d'autres. Pour toutes ces raisons, les Roms s'identifiaient à la famille.



En parlant de la famille, nous sous-entendons la femme, le mari, les enfants des deux sexes, éventuellement l'ensemble de la famille habitant sous le même toit. On connaît encore d'autres parents, oncles, tantes, cousins, cousines, neveux, nièces, beaux-pères, belles-mères, beaux-frères, belles-soeurs, mais on les prend pour des parents plus éloignés que l'on ne voit pas très souvent. A noter que le tchèque, à la différence de la langue rom, ne connaît pas de noms pour des parents éloignés, par exemple pour les enfants d'un cousin ou d'une cousine. Pour les Roms, ils sont des parents très proches, avec lesquels ils vivent dans le même village ou dans le même quartier (la proximité physique) et qui sont attachés non seulement par des liens de parenté consanguine mais aussi par la tradition et la solidarité familiales.
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A l'instar de la famille tchèque, il existe aussi au sein de la famille rom une différence entre les rôles de l'homme et de la femme. La femme rom était et est toujours éduquée de façon à être à même de s'occuper de sa famille. La femme avait pour devoir d'assurer la fonction de son foyer, d'élever les enfants et d'obéir à son mari. La femme avait souvent un rôle plus important sur le plan économique car c'est elle qui devait assurer la survie de sa famille - assurer la nourriture et l'habillement. Elle devait assurer de la nourriture à tout prix, soit en travaillant pour les gadgé - paysans (revêtement des fours, travaux champêtres), cueillette des fruits forestiers (myrtilles, framboises, gratte-cul etc.) ou en mendiant. L'homme rom, qui était chef de famille, en son sein ou dehors, symbole et protecteur du prestige de la famille, décidait et assumait la responsabilité de sa famille. Dans beaucoup de familles, les salaires n'avaient qu'un caractère occasionnel. Or, l'homme devait passer le plus clair de son temps en cherchant des commandes, en maintenant de bonnes relations avec ses parents et amis, en atténuant les conflits entre les familles, etc.



Le nombre des enfants nés renforçait et agrandissait la famille. Plus il y avait d'enfants, plus la famille était heureuse. Le nombre des garçons élevait le prestige de la famille, conformément au proverbe rom O chave hin zor - Les garçons signifient la force. Les époux souhaitaient comme premier enfant un garçon. C'était le voeu, le plus souvent, de l'homme. Quant à la femme, ça lui était égal ou, bien au contraire, elle espérait en son for intérieur que le premier enfant soit une fille pour aider sa mère lors des "travaux ménagers de la femme". Chaque enfant qui suivait était cordialement le bienvenu. L'éducation des enfants était assurée, essentiellement, par la mère, mais c'est finalement toute la grande famille qui y participait. L'enfant vivait entouré de trois ou quatre générations et sa vie sociale se déroulait dans cette communauté cohérente.

L'appui mutuel bénéficiait à toute la famille. Les célibataires (ils sont une exception, même de nos jours), restaient chez leurs parents, les orphelins demeuraient à la charge de toute la famille. Les personnes âgées étaient soignées et très respectées par la famille qui ne les a jamais exclues de sa vie. Il était impensable de mettre les vieux parents dans des maisons de retraités, ou de déposer les enfants dans un foyer d'enfants ou dans un internat. Un malade ne demeurait jamais seul. Hospitalisé ou mort, avant d'être enterré, il ne demeurait jamais seul.



La grande famille assurait la protection sociale (personne ne restait seul, des soins étaient accordés à tous), la protection psychologique (les problèmes étaient examinés ensemble) et la protection économique (assurer du pain pour tous). La famille constituait une unité économique qui devait collaborer, car un individu seul n'était pas à même de gagner sa nourriture. Les générations au sein d'une famille rom, travaillant ensemble, vivaient en harmonie.




L'enfance


Nane chavem nane bacht.
Pas de bonheur sans enfants.

Proverbe rom

Les univers des enfants et des adultes n'étaient pas séparés. L'enfant aprenait chez les adultes et, étant entouré sans cesse de beaucoup de gens, il apprenait à nouer rapidement des contacts sociaux. Les adultes respectaient l'enfant et l'enfant respectait les adultes. Toute la grande famille veillait sur le comportement de l'enfant et un enfant bien élevé avait beaucoup de respect pour sa famille. Il se présentait toujours par la famille dont il était issu. Or, l'enfant apprenait en participant pleinement aux activités sociales dans la communauté et en imitant les personnes plus âgées. Il réalisait quel genre de comportement répondait à son âge. Depuis sa tendre enfance, l'enfant était formé aussi par ses grands-parents (souvent plus indulgents que sa mère).

Dans l'éducation, on tenait compte du sexe de l'enfant. Les garçons travaillaient en commun avec leurs pères, les filles avec leurs mères. Chaque enfant avait ses devoirs véritables. Le garçon apprenait le métier du père en l'aidant (par exemple dans la famille d'un forgeron, le fils procurait du vieux fer et s'occupait du soufflet de forge). La fille apprenait avant tout à devenir bonne épouse et future belle-fille. Elle aidait sa mère à s'occuper des garçons et soeurs plus jeunes, préparait des repas, vendait avec la mère des produits sur le marché, etc. Avant de se marier, la fille avait le droit de sortir uniquement quand elle était accompagnée de son père, de son frère ou de son futur mari.

Après le mariage, elle quittait d'habitude sa maison pour rejoindre la famille de son mari où son éducation se poursuivait. D'abord, elle aidait sa belle-mère lors des travaux ménagers en essayant de ne pas déshonorer sa famille originaire. On demandait que la belle-mère soit "dzanel zuzipen" - donc aimant la propreté. La belle-mère apprenait à la belle-fille (bori) à préparer des repas auxquels son fils était habitué. Avant la naissance d'un premier enfant, elle devait être toujours à la disposition de la belle-mère. Cette période pouvait être difficile pour la jeune "bori", mais dès qu'elle a fait ses preuves et accouché d'un enfant, elle était acceptée dans la famille de son mari à titre de membre de plein droit. Les enfants s'instruisait dans la famille pour leur avenir.

Hélas, les Roms n'attribuaient pas et n'attribuent toujours pas une grande valeur à l'éducation des "gadgé". Cela ne veut pourtant pas dire qu'ils ne veulent pas être sages. La sagesse est, traditionnellement, très appréciée dans la communauté rom, mais celle-ci est acquise et manifestée différemment de l'éducation traditionnelle qui est la nôtre. La sagesse est déléguée par des récits et des expériences des personnes âgées, sous forme d'histoires, de contes de fées, de mythes, de proverbes, d'anecdotes ou de devinettes. La richesse culturelle des Roms, leur sagesse, leurs expériences, normes éthiques et leur philosophie sont sauvegardées dans leurs récits. Le genre "suprême" de leurs récits, c'étaient les histoires héroïques, de courtes fables occasionnelles, pleines d'humours, des histoires d'épouvante, relatant des expériences avec des esprits des morts, éventuellement des histoires "licencieuses", interdites aux enfants.

Dans la hiérarchie des valeurs des Roms, l'éducation scolaire est hélas nettement au-dessous de leur désir de gagner le maximum d'argent et, ainsi, d'être égaux aux gadgés. Si la majorité des Roms ne savent ni lire ni écrire correctement, ils savent par contre très bien calculer. C'est dû au fait que l'école ne respecte ni leur langue ni leurs conditions culturelles et sociales différentes. La plupart des parents n'arrivent pas à aider leurs enfants qui ont des problèmes à l'école, car ils ne maîtrisent pas, eux-mêmes, les matières enseignées.

L'une des raisons du retard des enfants roms à l'école réside dans la langue d'enseignement qui est différente de leur langue maternelle (la langue qu'ils parlent à la maison) et dans l'absence absolue des préparatifs préscolaires, comme c'est le cas des enfants non roms. Leur vocabulaire tchèque ne représente que la moitié de celui des autres enfants et, de surcroît, ils ont du mal à comprendre exactement la signification des mots. L'école telle qu'elle est n'arrive pas, le plus souvent, à éliminer ce handicap. Ainsi l'évolution de l'enfant qui, aussi intelligent soit-il, est envoyé dans une école spéciale, est ralenti. Le problème se reproduit dans les nouvelles générations.




La jeunesse


L'enfance et l'adolescence des enfants roms se terminent au moment de la création de leur propre famille. Un proverbe rom dit: Mets ta fille sur une chaise et dès que ses pieds touchent la terre, elle est suffisamment mûre pour se marier.

On estime le plus souvent que les jeunes filles roms sont sexuellement plus précoces que les jeunes filles tchèques. Cet avis très répandu a été réfuté par Daniela Sivakova dans son étude Recherches anthropologiques des Tsiganes (Roms) en Slovaquie, datant de 1992. Nous pensons que les jeunes filles roms sont prêtes à se marier entre 14 et 16 ans, avis qui est soutenu par l'âge relativement bas des nouveaux-mariés roms. Il s'avère pourtant que c'est plutôt sur le plan social que sur le plan biologique que les jeunes Roms sont préparés au mariage. La tradition voulait que la jeune fille rom, en devenant "adulte", c'est à dire en arrivant à l'âge de l'adolescence qui est un âge critique, accompagné dans notre population de toute sorte de révoltes et de non conformisme, soit confiée par sa mère rom, qui s'occupe de plusieurs autres enfants, à son futur mari, celui-ci ayant pour tâche de "l'éduquer".

Or, les parents confiaient leurs filles adolescentes aux familles de leurs maris et celles-ci devaient, souvent, épouser le mari qui a été choisi par ses parents. Ce sont les pères qui choisissaient le plus souvent le mari, mais ce n'était pas la règle. Ainsi les jeunes filles roms ne se mariaient pas par un amour romantique mais pour obéir à la volonté de leurs familles. La tâche des filles consistait à avoir un mariage bien réfléchi à l'avance et à lier de cette façon deux familles, en vue d'accroître encore davantage le prestige familial. Le mariage ainsi arrangé ne pouvait avoir lieu qu'entre les familles dont le niveau matériel était identique et qui étaient liées d'amitié. Il fallait aussi le consentement des deux pères.

Il se trouvait naturellement aussi que deux jeunes gens se sont mariés contre la volonté de leurs parents. Mais ceci entraînait toujours des conflits. En se sauvant, ils étaient aidés, le plus souvent, par leurs frères et soeurs. Lorsque les jeunes ont passé la nuit ensemble, il n'y avait pas ensuite d'autre possibilité que le mariage. Dans la plupart des cas, les familles finissaient par leur pardonner, mais avant de le faire, il fallait les punir en public comme un avertissement pour les autres jeunes. Pour leur faute, les jeunes n'étaient pas exclus de leur famille ou de leur communauté mais seulement punis. L'exclusion de la communauté, voilà la plus grande punition pour un Rom. On punissait ainsi par exemple un inceste. Ce tabou interculturel est valable aussi pour les Roms et sa violation était gravement condamnée.

Pour que deux jeunes gens puissent vivre ensemble et avoir des enfants, il fallait le consentement des deux pères, suite à quoi arrivait la fête des fiançailles (mangavipen). Accompagnés de leurs parents, les deux jeunes juraient devant d'autres témoins la fidélité jusqu'à la mort. Le chef de cérémonie, le plus souvent le vaïda-chibalo, liait les mains des mariés d'un foulard, en versant dans leurs paumes du vin ou de l'eau-de-vie que ceux-ci avaient à boire. Aujourd'hui, on ne lie les mains que rarement, on ne fait que les croiser et les nouveaux-mariés boivent l'un le contenu du verre de l'autre, avant de s'embrasser. Dès ce moment, la communauté rom les considère comme des maris qui peuvent vivre ensemble et avoir des enfants.

Dans le passé et aujourd'hui encore, ils n'ont recours à la cérémonie civile ou religieuse (bijav) qu'après avoir eu un ou deux enfants. Le mariage conclu était pour toute la vie. La séparation était exceptionnelle et elle était permise seulement en cas de stérilité ou d'infidélité de la femme.

Si, au bout de quelques années, les mariés n'avaient pas d'enfant, l'homme pouvait quitter sa femme. La stérilité était la punition suprême pour la femme rom, car elle ne pouvait pas accomplir son rôle vital, celui d'être bonne mère et, ainsi, bonne épouse. Tout le monde détestait une telle femme et tout le monde concevait que l'homme la quitte. Il y avait, bien entendu, beaucoup d'artifices magiques pour vaincre la stérilité. La femme stérile devait manger, par exemple, des plantes ramassées sur le tombeau d'une femme, morte après l'accouchement de fièvre puerpérale. Selon une autre magie, d'un symbolisme très clair, la femme devait avaler le contenu d'un oeuf, soufflé dans sa bouche par le mari. Les femmes croyaient aussi dans la force de la pleine Lune, en mangeant des plantes ramassées à minuit. L'avortement n'existait pas, ce qui reflétait le désir d'avoir le plus grand nombre possible d'enfants comme l'imposait la tradition familiale.

Une femme infidèle pouvait être abandonnée par son mari. Si le mari ne la quittait pas, il devait tout au moins la punir en public (en lui coupant les cheveux, en la battant...) Quant à l'infidélité du mari, les choses ont été différentes: elle augmentait son prestige d'homme et, parfois, les femmes la vantaient pour prouver les qualités de leurs maris. On se demande seulement avec qui les hommes pouvaient être infidèles...

Sûre d'être enceinte, la femme rom annonçait cette joyeuse nouvelle d'abord aux femmes dans la famille et, seulement après, à son mari. Dès ce moment, elle devait respecter "les règles de protection du foetus", qui sont très sévères, compte tenu de la foi dans la possibilité du transfert de différents défauts et insuffisances. Or, la femme était soumise à tout un éventail de restrictions: elle n'avait pas le droit, par exemple, de regarder des handicapés physiques, des animaux "moches" et magiques (surtout les serpents), des morts, etc.

D'un autre côté, c'est jusqu'à la fin qu'elle travaillait et, le moment venu, le mari alertait les voisins et appelait une sage-femme. Celle-ci jouait un rôle mi-gynécologique mi-magique. Avant de couper et de nouer le cordon ombilical, elle préparait à la parturiente une boisson magique contre les démons qui risquaient de pénétrer dans le nouveau-né, parfois elle allumait le feu devant la maison ou devant la tente afin de les chasser. Puis, on attendait le baptême officiel, car avant celui-ci, le nouveau-né était exposé à l'influence des mauvais esprits.

Après le baptême, les mauvais esprits n'avaient plus de pouvoir sur lui. Ont été qualifiés de tels les esprits des mères mortes pendant l'accouchement ou des femmes qui ont eu un enfant mort-né. Ces esprits cherchaient, prétendait-on, un autre bébé. On se défendait contre ce mauvais esprit (guli daj) par différents ex-voto, cachés dans le lit sous l'édredon et par un ruban rouge au poignet de l'enfant.

Le baptême (kirvipen) avait lieu et a lieu toujours, à l'instar des non Roms, à l'église. Pour un baptême il faut un parrain et une marraine qui jouent un rôle très important. Pour les seconds parrains, les Roms choisissaient souvent des gadgés - des paysans des villages, car c'était une certaine garantie que la famille n'allait pas mourir de faim, une fois tombant en détresse. Le parrain ou la marraine donnaient à leur tilleul le krizmo - un objet qu'il gardait sa vie durant. Il le recevait un jour important, par exemple, à l'occasion de sa première rentrée scolaire ou un grand jour de naissance. Le parrainage renforçait, naturellement, les rapports entre les familles.

Pendant le baptême, l'enfant recevait un nom, d'habitude selon son parrain, un des parents ou un autre membre de la famille. Mais ce nom n'avait qu'une signification "officielle", servant à des contacts avec la société non rom. Souvent, l'enfant ne le connaissait même pas. A part ce nom, l'enfant recevait encore un nom rom qui relevait de ses qualités physiques ou psychiques (Thulo - Gros, Kalori - Noir...), d'un événement ou il s'agissait de déformations de certains mots prononcés par l'enfant, etc. Ce nom, qui pouvait changer pendant l'enfance plusieurs fois avant d'être accepté définitivement, était utilisé au sein de la communauté rom. Aujourd'hui encore, il arrive que les Roms n'utilisent pas leurs noms du registre des naissances et de leurs cartes d'identité. A l'école, souvent, les enfants étaient surpris lorsque leur institutrice les appelait par un autre nom que celui auquel ils étaient habitués...


L'âge adulte


Adultes, les Roms s'occupaient de leur famille, de sa nourriture et de ses vêtements, élevaient leurs enfants. Par le niveau de vie de la famille, son chef, l'homme, manifestait son habileté et sa capacité à s'occuper de sa famille. Peu importe d'où l'argent venait (salaires, prestations sociales, vols ou tricheries etc...)

La vie des Roms slovaques sédentaires se déroulait dans des villages qui ont été sauvegardés jusqu'à nos jours en Slovaquie de l'Est, où l'on trouve des maisons en bois ou en briques non cuites. Avant la Seconde Guerre mondiale, certains d'entre eux vivaient dans de simples maisons, enfoncées dans la terre, appelées "zemnice". Le foyer pour un Rom, ce n'est pas sa maison. Si un enfant a besoin d'avoir sa mère avec lui, le Rom a besoin d'être entouré de ses gens, de toute sa grande famille. Parmi les siens, il se sent bien même dans une chaumière minable. Il doit apprendre à habiter. Habiter dans des logements est pour nous facile, mais les Roms ont pu voir de leur propre expérience que ce n'est pas très facile en soi, lorsqu'ils se sont trouvés, d'emblée, dans de nouveaux appartements HLM. Dans le cadre du programme de liquidation des communes roms, de nombreuses familles ont été transportées dans de tels appartements et obligées de vivre d'un jour à l'autre face à une culture différente. La dévastation du fonds de logement par les habitants roms, dont on parle si souvent dans la presse, est une conséquence de leur rapport envers leur "maison".

Dans le milieu ancien des Roms, on trouvait à la tête de l'ensemble de la communauté d'un village un homme respecté de tout le monde - le chibalo (vaïda) qui veillait sur le respect des normes éthiques et de l'ordre. Souvent, il avait la fonction de maître de cérémonie pendant les mariages ou les funérailles, etc. Suite à l'éclatement des liens sociaux, ces derniers temps, son autorité a tendance à diminuer. La famille demeurant la base de la société, toutes les activités des Roms adultes concernent l'assurance de leur famille, en ville aussi bien qu'à la campagne ou dans des villages. Il existe de grandes différences entre les villages roms en ce qui concerne le niveau matériel et le mode de vie. Mais les habitants de ces villages sont souvent beaucoup plus libres que les gens en milieu civilisé, ils ont su maintenir ce que l'on ne trouve plus dans le monde agité d'aujourd'hui, où chacun vit surtout pour soi-même.

Il existe un trompe-l'oeil dans les villes: il nous semble que les Roms sont plus nombreux qu'ils ne le sont en réalité. A la différence des autres communautés, les Roms ne passent que peu de temps dans leurs appartements, car ils sont presque tout le temps dans la rue. En été, la vie de la communauté rom se déroulait dehors: les femmes faisaient la cuisine sur les fourneaux qu'elles sortaient de la maison en même temps que les tables, c'est encore dehors que l'on mangeait, que l'on faisait la lessive ou célébrait les fêtes, et que l'on pouvait écouter les chansons roms: celles qui expriment le chagrin de la mort d'une mère, de la misère ou des sentiments amoureux, ou celles qui sont par contre pleines de tempérament, chantées au rythme d'un csardas.


La vieillesse


De le phuren pativ, bo the jekhvar aveha phuro.
Respecte les personnes âgées, car toi-même, tu seras un jour âgé.

Proverbe rom


Compte tenu du fait que les Roms ont été tellement orientés vers leurs familles et que jeunes et vieux habitaient ensemble, les personnes âgées pouvaient s'engager dans l'éducation de leurs petits-fils. Les personnes âgées jouissaient d'un respect auprès de leurs enfants et petits-enfants. Leur opinion avait un grand poids et la famille ne se débarrassait pas d'elles. Les Roms consacraient une grande attention aux cérémonies funèbres.

Ils croient encore aujourd'hui que celui qui meurt reçoit la visite d'un membre de la famille, défunt antérieurement, qui reste chez lui jusqu'à son enterrement, pour le conduire ensuite dans l'univers de l'au-delà. On mettait dans le cercueil des objets personnels du défunt, même s'ils avaient une certaine valeur: bagues, boucles d'oreille, montres, violon, guitare, pipe, cigarettes, lunettes, petite bouteille d'alcool, cartes et, pour les croyants, un livret de prières et un chapelet. La famille mettait dans les mains ou dans la poche du défunt de l'argent (le plus souvent de petites pièces de monnaie). Entre la mort et l'enterrement, la famille veillait sur le défunt.

La veillée avait ses règles strictes: on jouait aux cartes, racontait des histoires de la vie du défunt, il était interdit de chanter, danser, trinquer. Avant de boire son premier verre, chacun en a versé d'abord un peu par terre - à la mémoire du défunt. Un certain temps après l'enterrement, le défunt devait rendre visite aux survivants pour leur faire savoir comment il a été satisfait des funérailles. Il manifestait sa présence par tout un éventail de signes, de sons, il apparaissait dans les rêves.

Le coût des funérailles des Roms était très varié. Celles-ci demeurent pompeuses encore aujourd'hui, notamment parmi les Roms olakh. Chez eux, on rencontre un cercueil avec un couvercle en verre, un tombeau garni de tapis précieux, etc.


Professions roms traditionnelles


En Europe, les Roms gagnaient leur vie en exerçant des professions qu'ils avaient apprises en Inde. Dès l'arrivée des Ariis, l'Inde était un pays, dont la population était divisée en castes appelées dzati. Les dzati avaient le dharma spécifique de leur caste - un ensemble d'ordres et d'interdictions non écrites, stipulant quelles activités étaient permises ou pas. Cette caste, souvent, ne devait pas se consacrer à des activités qui avaient un rapport avec la nourriture traditionnelle d'autres castes (dzati). "L'aire professionnelle de la nourriture" de chaque caste a été ainsi protégée. Depuis longtemps déjà, pourtant, les changements professionnels entre les Roms sont une chose courante. Ceci dit, récemment encore, les usages permettant de régler le comportement entre les groupes de différents "dzati" roms, ressemblaient en bien des points aux relations entre les castes en Inde.

En Inde, les Roms faisaient partie des castes qui exerçaient les professions suivantes: forgeron, chaudronnier, traiteur de cuir, lad, maquignon, musicien, dresseur de serpents et d'ours, poteur, vannier, balayeur, blanchisseuse, voyante, briquetier, menuisier, etc. On peut dire que toutes ces professions ne pouvaient être exercées qu'occasionnellement, car la demande de ces services était irrégulière et se terminait avec la saturation du marché.

Avant la Seconde Guerre mondiale, près de quatre-vingt-dix pour cent des Roms vivant sur notre territoire y étaient fixés depuis très longtemps. Ils y sont arrivés des Balkans, en longeant le Danube, pour commencer à s'installer dans le pays depuis le 17e siècle environ. A cette époque-là, il n'y avait pas à la campagne de grandes différences entre les habitants nouveaux-venus et fixés, on peut donc parler d'une certaine assimilation des Roms avec la population autochtone. Selon le milieu linguistique dans lequel ils vivaient, on distinguait les Roms sédentaires slovaques et hongrois des Roms nomades ou semi-nomades tchèques (tchéco-moraves). Le milieu avait un impact sur leur langue, mais leur culture est demeurée la même. Les Roms olakh qui ne pratiquaient que le mode de vie nomade et n'avaient presque pas de contact avec les autres Roms, représentaient un groupe spécial.

Au 17e siècle, les villes ont commencé à accueillir les Roms qui rendaient aux villes et aux villages, en revanche, des services (affûtage des halapartes, nettoyage de la ville, travaux de fossoyage), plus tard, on les autorisait à se consacrer à leurs professions. Le métier de forgeron était le plus important métier des Roms slovaques. Ils travaillaient suivant les techniques archaïques maîtrisées en Inde. Ils travaillaient assis par terre, utilisant comme matière première de vieux matériaux (fer usé) qu'ils pouvaient se procurer gratuitement. Vers la fin du siècle écoulé, il y avait probablement en Slovaquie la plus grande concentration de forgerons dans toute l'Europe. Ils fabriquaient des clous, des chaînes, la garniture des voitures, des pioches, différentes ferrures. Quant aux fers à cheval, ils n'en faisaient que très peu. Aujourd'hui, rares sont les Roms qui se consacrent au métier de forgeron, ils s'orientent plutôt vers la production d'objets d'art - ferrures, chandelles, grilles, etc.

Ils gagnaient leur vie, aussi, en recevant une contrepartie (en nature) pour l'aide qu'ils apportaient dans les champs aux paysans et petits fermiers. Il s'agissait de travaux champêtres occasionnels, par exemple pendant le ramassage des pommes de terre ou de la betterave. Ils cassaient les pierres lors de la construction des routes pour le village. Cette coopération entre les Roms et la population non rom a été, souvent, scellée par le parrainage.

La collectivisation et la fondation des coopératives agricoles uniques a mis fin à cette coopération. On ne demandait plus les Roms et ceux-ci ont commencé à s'éloigner de l'univers des "blancs". Parmi d'autres professions roms en Bohême et en Slovaquie, il convient de mentionner la fabrication des balais, corbeilles, panetons, nattes de roseau, le traitement du cuir, l'affûtage de couteaux, la fabrication des briques non cuites en argile, eaux et mauvaises herbes, la fabrication du charbon de bois. Les femmes enduisaient les fourneaux des paysans (grâce à leur petite taille elles pouvaient entrer dans le fourneau), tissaient des produits simples, cueillaient avec leurs enfants les fraises, les myrtilles, les églantiers et d'autres fruits. Elles offraient leur produits et les fruits cueillis aux paysans dans les villages. Elles les échangeaient le plus souvent contre la nourriture ou des vêtements.

Jekhfeder pativ luvutariske.
Le plus grand respect appartient au musicien.

Proverbe rom

La musique était une autre source importante de revenu, bien que complémentaire, des Roms slovaques et tchèques. L'orchestre rom n'était composé que d'hommes. Il appartenait, le plus souvent, à une même famille (le père - souvent chef d'orchestre, ses frères, fils, beaux-fils, beaux-frères). Il comprenait au moins quatre membres. Quant aux instruments, il y avait le premier et le second violons, une viole, une contrebasse ou un cymbalum, éventuellement une clarinette. Ils jouaient pour la population non rom dans les mariages, dans les fêtes, les baptêmes, accompagnaient des repas somptueux ou des funérailles, recevant pour leurs prestations de l'argent. Pour les gadgés, ils jouaient le répertoire local et, ainsi, ils représentaient la tradition de la musique populaire slovaque. Quand ils étaient parmi les leurs, ils jouaient des mélodies lentes, chantant leur vie dure, l'amour, le chagrin et la souffrance. Un proverbe rom ancien dit: Gadzeske basavav andro kan, Rineske andro jilo ou Je joue à l'oreille des non Roms, je joue au coeur des miens (Roms).

Une autre sorte de musiciens de village, c'étaient les différents "musiciens" qui jouaient du violon dans les villages, devant les fenêtres, la musique servant de beau prétexte pour mendier. Ces musiciens appartenaient à la plus basse couche, et les autres musiciens les détestaient. Les meilleurs musiciens ont créé, à la charnière du 19e et du 20e siècle, une couche sociale particulière de musiciens professionnels se présentant en ville dans des cafés, que l'on appelait aristocratie tsigane. C'étaient les descendants des musiciens qui, dans le passé, se produisaient dans des cours royales et de la noblesse, à l'époque où les féodaux les faisaient installer sur leurs territoires, car il était en vogue d'avoir à la cour un orchestre rom. Ces musiciens se sont presque entièrement assimilés, et encore de nos jours, les Roms mettent un grand accent sur la formation musicale de leurs enfants - ceux-ci font leurs études au conservatoire (le plus grand nombre de jeunes musiciens roms étudie au Conservatoire de Presov).




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