Gestionnaire de la base : Felix GENTILI Auteur du document : A Magaud
Catégorie: Fiches de lecture
Nous, on n'en parle pas. Les vivants et les morts chez les Manouches Patrick Williams Editions de la Maison des sciences de l'homme Paris Notes de lecture " partielles " Alain Magaud.
Page 3 : Les manouches d'Auvergne ont séjourné longtemps dans des territoires germaniques.
Ils sont arrivés progressivement en France pendant la 2ème moitié du 19ème siècle.
Ils séjournent depuis plusieurs générations dans la même région.
Page 7 : Générosité et solidarité sont valorisées.
Page 9 : On détruit ou vend sans bénef les biens et objets du défunt. Ou on les garde précautionneusement.
Les proches ne parlent pas de lui pendant un long temps de deuil (cela favorise une mémoire intime), les autres beaucoup.
Quand on en parle on essaie de témoigner sans trahir les faits et les dires.
Page 8 : Ne pas appeler un mort par son nom : les vivants et les morts ne sont pas présents de la même façon au milieu des autres. Car, dans les échanges quotidiens, le nom des individus à qui on s'adresse est utilisé de manière presque abusive – ce privilège, cette affection accordée au nom propre, constitue même une des particularités les plus frappantes de la conversation manouche. "
Une expression ou une périphrase est employée pour parler du mort.
Page 10 : " … l'exigence est qu'il y ait coïncidence parfaite entre la réalité passée et le tableau qu'on en fait aujourd'hui. "
Temps de deuil laissé à la libre appréciation de celui qui le fait. Pas de justification donnée.
Le deuil peut consister en l'abstinence d'un mets ou d'une activité aimés du mort. Pas de justification donnée.
Page 14 : " Il existe bien une mémoire manouche mais c'est une mémoire qui ne fait pas discours, une mémoire qui ne vise pas à l'exploration du passé et à l'accumulation des connaissances. " Le " respect " pour les morts à la place de la mémoire.
Page 15 : " Manouches, nous sommes ce que les manouches ont toujours été.
Ainsi posé, le rapport entre les vivants et les morts n'introduit pas à une dimension du temps qui serait chronologique. " Le défunt laisse aux vivants " la garantie de l'incorruptibilité de leur qualité de Manouches. "
Page 16 : " Nous sommes ce que nos morts nous ont faits et nous le sommes … pour l'éternité et sans faille. "
Deux insultes : " mange tes morts " et " Je baise tes morts ". Elles sont très graves quand celui à qui elles sont adressées fait partie d'un autre groupe car c'est tout le groupe qui est insulté. ? Guerre. Entre membres d'un même groupe pas d'importance.
Page 19 : " Je dirai que c'est la visibilité du groupe (de la tombe qui figure le groupe) en territoire gadjo qui entraîne la nécessité d'apporter des soins extrêmes aux tombes. "
Pages 20, 21 : On visite les tombes. On boit sur les tombes. Le caveau de famille attache à telle ou telle région.
" … le lieu du décès d'un parent cesse d'être fréquenté. " En ces lieux on entrepose les objets mulle.
Page 24 : Le mulo (défunt) revient parce qu'il n'a pas eu une mort tranquille ou parce qu'on lui a manqué de respect. Il revient sous n'importe quelle forme. Il est incontrôlable et peut être manouche ou gadjo.
Page 26 : Si l'on soustrait des objets de la totalité, les objets du mort, on ne le dit pas et cela implique l'observation et l'interprétation. La particularité s'inscrit dans la totalité.
Pour les choses que le mort aimait, d'arrêter d'en utiliser une pendant un temps fait qu'elle est ainsi chargée d'une qualité particulière et tout le reste l'est aussi. " ce n'est plus quelque chose qui est donné par le monde, c'est quelque chose que l'on a , soi, mis au monde. "
Page 27 Le temps :
- éphémère, précaire, irrémédiable ;
- pérennité, immuable.
Ephémère, l'individu.
Pérenne, le manouche.
" Le silence apparaît alors comme la figure la plus accomplie de l'oubli et comme une mémoire qui ne souffre aucune faille. "
Page 52 : La civilisation du monde
" Nous ne pouvons comprendre les modalités de l'affirmation manouche si nous ne prenons pas en compte le caractère saturé de l'univers dans lequel elle s'effectue.
Le premier geste que les Mânuð aient à faire pour s'établir est d'entamer la cohérence du réel gadjo. Introduire la discontinuité. Afin de commencer au sein d'un univers plein ; ils instaurent le vide, le blanc, l'absence … (du moins ce qui est perçu comme le vide, le blanc, l'absence … avec les critères en usage chez les Gadjé, chez ceux qui remplissent l'univers). " Voir les mûlengri placa (place des morts).
Page 53 : " Voici donc le processus d'appropriation manouche : entre le monde et les Mânuð, il y a omniprésente, la médiation des gadjé (fruits de la nature et œuvres des Gadjé sont équivalents) ; dans l'usage qu'ils font de la nature-qui-est-la-civilisation-des-Gadjé, les Mânuð introduisent la médiation des morts. La présence des Gadjé s'en trouve effacée.[…] L'instauration de telles fractures dans le tissu de l'univers gadjo représente la première étape vers l'annulation de l'autre. […]L'affirmation manouche ne vise pas la constitution d'un domaine séparé ou d'une enclave, mais l'appropriation de la totalité. Pour que la civilisation manouche du monde soit totale, elle ne doit pas être publiée. "
Page 54 : " Si l'on veut encore quelque illustration, il est possible, pour en rester à l'espace, d'évoquer aussi, faisant pendant à la faculté de soustraire certains endroits à l'omnipotence/l'omniprésence des Gadjé, la faculté de remplir ceux qu'elle laisse vacants, interstices négligés ou oubliés, provisoirement la plupart du temps, dans le quadrillage gadjo de l'espace, lieux qui pour nous sont vides. " Le ramassage des objets sans valeur pour les Gadjé.
Romeno lap
Nom pour les Gadjé
sobriquet, surnom, prénom diminutif, nom commun, onomatopée
usage dans la communauté manouche
stock illimité, non-transmissibilité
répétitivité réduite
disparaît avec le mort
prénom + nom de famille
usage dans les relations avec les Gadjé
stock limité transmissible
grande répétitivité
reste au-delà de la mort
Ce qui disparaît " est ce qui caractérise l'individu : le romeno lap, les actes et les événements de son existence… et ce qui reste, qui est ce qui figure le groupe : le " nom pour les Gadjé ", la tombe… "
Page 60 : Le silence
" Le silence qui enveloppe la totalité manouche ¯ qui est la totalité manouche ¯ constitue un manque dans le discours gadjo. "
Page 61 : " Nous en trouvons la preuve dans les modes de transmission des pratiques et des savoirs. Il n'y a pas place pour l'enseignement et pour l'apprentissage. " " C'est dans le sang. "
" Tout le monde, au sein de la communauté, est tout le temps en train de s'observer, d'observer les autres et de s'interroger : est-ce bien comme cela qu'il faut faire. " Place de l'incertitude.
Page 62 : " L'intégrité toujours. Pour que les vivants soient assurés de leur pérennité, de leur existence, il faut que les morts soient en paix. Les boules de pétanque du " défunt père " : au fond du puits ! Le camion du " défunt mari " : à la presse ! " C'est mieux, dit la famille. Comme si la moindre faille, la moindre prise offerte aux Gadjé pouvait être fatale. "
Page 63 : " Pour installer la présence, ils ont choisi la référence à l'absence effective. C'est le choix de la perte pour assurer l'avènement au sein des Gadjé, c'est-à-dire au sein du plein. "
" Le silence devient garant de l'incorruptibilité de l'identité, de la pérennité du groupe. "
Souvent les hommes passent de longs moments à ne rien faire dans le silence pelin de la qualité de manouche.
Page 73 : Terrains d'accueil pour sédentariser et donc assimiler.
Page 96 : Importance de la pudeur (la honte). Sollicitude et tendresse.
Page 99 : Le respect des morts.
Page 101 : " La tentation du silence peut être aussi celle d'une communion avec la nature par-delà le travail des humains. "