* finalités objectifs. " L'enseignement est centré sur des objectifs délimités se rapportant à des disciplines de base en référence au programme scolaire et prend en compte la spécificité historique et culturelle des Tsiganes et gens du voyage. l'ARIV souhaite favoriser la préscolarisation..."(ARIV 11/1992)
. * objectifs généraux - Etre un pont entre le monde des voyageurs et l'institution-Ecole.
- Assurer une pré-scolarisation et faire mieux connaître l'école aux enfants du voyage.
- Etre un pont entre le monde des voyageurs et le monde sédentaire. - Apporter des notions de base : PARLER FRANCAIS, LIRE; ECRIRE; COMPTER.
- En plus des outils de base, apporter une ouverture culturelle et cognitive, en exploitant le potentiel contenu dans la culture Tsigane. - donner aux enfants le goût d'apprendre, de connaître, de critiquer.
* Les populations suivies Les grands voyageurs, les semi-sédentaires. 2 types de populations bien différentes, nécessitant des interventions appropriées.
* Sur le chemin de l'école: apprendre à vivre et travailler ensemble.
Les enfants Manouches ou Yéniches ne savent pas ou très peu ce qu'est l'école. Dans le camion, ils apprennent à travailler avec d'autres enfants. Les apprentissages ressemblent alors à ceux de la maternelle : - rester une demi-journée dans le camion (avec une récréation) ; accepter et respecter le travail des autres ; attendre son tour ; penser à se laver les mains ; ne pas manger dans le camion ; faire un travail jusqu'au bout ; écouter et respecter une consigne ; dater, signer, ranger le travail dans son dossier, ranger le matériel.... Les enfants apprennent l'autonomie.
* Apprendre à parler la même langue pour une meilleure compréhension. Certains enfants, en bas âge, ou ne parlant pas le français, ont besoin d'apprendre la langue. Nous utilisons des livres, des imagiers, mais aussi la compétence des parents (même illettrés) et des aînés. La journée commence souvent par ce temps de langage, durant lequel j'explique des mots en français et je me fais expliquer les mots Manouches.
* Maîtriser l'espace et le temps, un pré-requis pour d'autres apprentissages. On retrouve ici les mêmes objectifs qu'aux cycles 1 et 2. Ils s'appliquent à des enfants de tous les âges. Certains ont déjà des acquis. Ils progressent vite.
*Graphisme, écriture, coloriage. Il s'agit d'apprendre à tenir son crayon, de découvrir (avec émerveillement !...) le taille-crayon, de colorier, de reproduire, d'écrire, de tester tous les outils...
* Lire, écrire et étudier la ou les langues écrites. Donner le goût des livres et le sens de l'écrit est un travail majeur (la culture tsigane est de tradition orale). Nous fréquentons ensemble toutes sortes d'écrits : en français, en manouche, partitions musicales... Les élèves doivent comprendre que l'écrit est mémoire, que l'écrit est codé. Une bibliothèque est à leur disposition dans le camion. Ils peuvent emprunter les livres. Vient ensuite l'apprentissage du code, de l'alphabet. J'ai réalisé des cassettes audio avec la comptine de l'alphabet : les enfants s'entraînent seuls. Pour d'autres, je mets en place une méthode de lecture construite. Elle raconte l'histoire de l'enfant et du camion. L'outil informatique me permet de personnaliser l'écrit. (liaison traitement de textes/base de données) Le dernier stade est celui de l'écriture et de l'étude plus complexe de la langue.
* Compter et calculer. Il s'agit d'étudier la numération en commençant par la comptine numérique, écriture chiffrée et lettrée, écriture additive, constellation, regroupement en dizaines, etc.... Les 4 opérations, techniques opératoires, tables, situations problèmes , un peu de géométrie viennent ensuite.
* Les outils. Ils sont de toutes sortes, adaptés à une pédagogie différenciée et individualisée. Pour l'évaluation, je construis des fiches en fonction des enfants rencontrés. L'ordinateur a une place importante dans mon travail: enseignement assisté (français, maths), production d'écrits pour les plus grands. Il me sert pour toutes les tâches administratives et pour ma préparation de classe (fiches d'élèves, méthode de lecture...).
       Conclusion : idées et projets pour le futur:
Dans ce travail, j'ai pris conscience de la grande diversité des tâches. Les élèves sont très hétérogènes. Les besoins changent, selon les âges, les habitudes des familles...J'ai quelques idées pour faire vivre cette classe : construire du matériel de lecture à partir des écrits de la route, travailler autour du code de la route, prendre contact avec les services de santé scolaire pour pouvoir organiser une visite médicale, mettre en place un projet guitare (élément de la culture tsigane, qui attire les enfants). Nous avons aussi des demandes de familles dont les enfants suivent le CNED. En quelques mois, j'ai appris que, dans le monde Tsigane, il faut du temps pour arriver, il ne faut pas viser trop haut. Il faut accepter ce matin où on retrouve le terrain vide, tout le travail, l'espoir que l'on met dans les élèves (comme le font beaucoup d'instituteurs), est parti avec les caravanes. Il faut alors recommencer patiemment, sans se décourager, apprendre à regarder ce qui est fait plutôt que de regarder ce qui reste à faire. Se réjouir le matin où certains élèves auront enfin rejoint une école, le matin où la certitude que X.., Y... savent lire.Patrick Gonon
Extrait du livre Le Champ Tsigane de LEILA OUFKIR
La Loire est quadrillée par des camions-écoles appartenant à une petite structure indépendante, L'A.R.I.V. - Association Régionale pour l'Information et la promotion des Tsiganes et Gens du Voyage.
Yvon Massardier a créé son office il y a plus de vingt ans et contribue ainsi à la lutte contre l'analphabétisme. Aujourd'hui, son association est soutenue par le Conseil Général - financement du nouveau camion-école, entre autres. Deux véhicules se partagent les haltes scolaires sur les terrains du département. Pourtant, rien ne prédestinait Yvon Massardier à cette entreprise. Les douceurs qu'il confectionnait dans sa confiserie-chocolaterie ne l'ont pas empêché de succomber aux friandises de la culture nomade. Après avoir goûté aux délices du flamenco gitan, du jazz manouche et tant d'autres sonorités endiablées, Yvon Massardier était conquis. C'est avec une pointe d'émotion que l'instructeur ambulant nous conte son expérience. "Les Manouches m'ont motivé à travers leur musique. Ils savent jouer tous les styles avec une telle facilité, c'est formidable. Comme je ne pouvais pas leur apprendre le violon... je me suis dit que je pourrais leur apprendre à lire et écrire !". Ainsi est né le projet de scolarité mobile. Deux instituteurs mandatés par l'académie assurent les cours à raison de deux à trois séances par semaine sur les terrains de la Loire. "Il faut voir comme les enfants sont excités quand ils voient arriver le camion. Il est vrai que les parents n'encouragent pas leurs enfants à apprendre à lire et écrire. Mais ils ont ceci de bien c'est qu'ils ne le leur interdisent pas non plus."
L'association ne se contente pas d'ouvrir les portes de l'instruction à plus d'une centaine d'élèves : elle est "un trait d'union entre ceux qui, du côté manouche, refusent d'un bloc la scolarité normale et, en face, ceux qui ressentent la nécessité de les éloigner de l'analphabétisme. Les Gens du Voyage avaient besoin de pénétrer notre culture pour pouvoir, à leur tour, nous transmettre des choses, au travers de l'écriture, de la lecture,... Certes, ils sont un peu turbulents, mais ils ont tellement à offrir !" Ainsi, grâce à ces leçons dispensées en milieu familier, les enfants réapprennent leur culture et se familiarisent avec celle de l'Autre. "Ils arrivent à lire des contes... Je leur apprends des chansons de leur culture qu'ils avaient oubliées. Les plus grands commencent à s'en sortir avec les papiers des parents. C'est également plus facile pour eux quand il faut passer le permis de conduire..." Le principe du camion école est plus ou moins contesté car le risque encouru est l'isolement culturel.
Yvon Massardier en est conscient "Moi aussi, j'aimerais mieux les voir à l'école du coin. D'ailleurs, aussitôt que l'opportunité se présente, on intervient auprès des parents pour faire scolariser tel ou tel enfant... Mais tout de même, je préfère ce système plutôt que pas de scolarité du tout". Yvon Massardier s'est initié, ainsi que son épouse, au romani.
Il a été sollicité par les autorités locales pour l'organisation d'un service de PMI (Protection Maternelle Infantile) car les Manouches sont réticents à fréquenter les milieux hospitaliers et les cabinets des médecins. "Pour les encourager à aller voir les docteurs, le département nous a demandé si on acceptait de faire le lien avec les familles". Ainsi, le camion santé se rend une fois par mois sur les terrains pour dispenser des soins et faire de la prévention. "Au début, les parents refusaient de présenter leurs enfants en l'absence d'un membre de l'association, parce qu'ils ont appris à nous faire confiance. Ils savent que nous ne voulons que les aider". À présent, le système est rôdé. Le camion effectue ses tournées, sous le patronage de l'A.R.I.V, sans susciter la moindre suspicion de la part des Gens du Voyage. Yvon Massardier insiste, tout sourire, sur la nécessité d'éduquer les nouvelles générations "Vous savez, je dis toujours que l'éducation des enfants commence vingt ans avant leur naissance". Il est vrai que les élèves d'aujourd'hui sont les parents de demain. En s'installant devant leur pupitre, en faisant leurs devoirs, ils deviendront plus sensibles aux dommages occasionnés par une scolarité en pointillé, voire inexistante. Alors même que ces enfants ne songent à aucune paternité, ils apprennent inconsciemment à soigner l'héritage culturel et social qu'ils vont transmettre à leur descendance. C'est aussi à l'école que l'on apprend l’autodiscipline et le civisme, les responsabilités et la constance dans l'ouvrage.
La scolarité est donc l'une des priorités absolues qui permettront de réviser les références émotionnelles et éducatives des générations futures. C'est une meilleure connaissance de l'autre et l'accession à l'émancipation intellectuelle qui permettront aux Gens du Voyage de dépasser les handicaps actuels.
Extrait du livre Le Champ Tsigane de LEILA OUFKIR
Saint-Chamond Saint-Etienne 2009
Requiem pour L'école de l'ARIV dédiée aux enfants
Tsiganes ?
L’Association que j’ai crée a plus de 25 ans. J’ai pris ma retraite et la nouvelle direction de l'ARIV,par incompétence et pour faire quelques misérables économies, a décidé de se séparer des camions école.
Ces deux classes itinérantes ont permis de nombreuses intégrations dans les écoles publiques du département. Le principal reste que des enfants ont appris à lire et à écrire et développé une relation affective avec l'école.
Fin tragique et lamentable décidée par le conseil d’administration qui n’a pas eu la volonté et le courage de poursuivre l'oeuvre commencée il a plus de 25 ans.
Les instituteurs avec la DDEC et l'Académique de la Loire mais sans les camions, continuent d’aller sur les terrains ou dans les écoles pour enseigner aux enfants tsiganes la lecture et l’écriture.Les enseignants de l'école nomade continuent leur fonction de passerelle entre le terrain et l’école et sont devenus des enseignants-médiateurs.
L’aventure continue!....
En 2013 L'ARIV était en faillite!..